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CRATYLE

en ce sens que tout marche, se meut et s’écoule, que les noms nous indiquent la réalité. N’est-ce pas là ce qu’ils montrent, à ton avis ?

Cratyle. — Parfaitement. Et j’ajoute qu’ils l’indiquent 437 justement.


Noms qui peuvent indiquer le repos aussi bien que le mouvement.

Socrate. — Parmi eux reprenons donc d’abord ce nom d’épistêmê (science), et considérons combien il est équivoque. Il paraît signifier qu’il arrête (histêsi) notre âme sur les objets plutôt qu’il n’accompagne leur mouvement ; et il est plus juste d’en prononcer le début comme nous faisons maintenant que de retrancher l’é pour dire pistêmê[1]. Ensuite le mot bébaion (stable) paraît être l’imitation d’une base (basis) et d’un arrêt, non d’une mobilité. b Le mot historia (connaissance) signifie par lui-même l’arrêt (histêsi) de l’écoulement (rhous). Et piston (sûr) signifie expressément, lui aussi, arrêtant (histan). Ensuite mnêmê (mémoire) indique pour le premier venu une halte (monê) dans l’âme, et non un élan. Prenons encore, si tu veux, hamartia (erreur) et sumphora (accident) ; si l’on se règle sur le nom, ils apparaîtront identiques à cette compréhension (sunésis) dont nous parlions, à la science (épistêmê) et à tous les autres noms qui désignent des choses de prix[2]. Allons plus loin : amathia (ignorance) et akolasia (dérèglement) paraissent en être très voisins. L’un, amathia, semble être c la démarche qui accompagne Dieu dans son mouvement (hama théô iontos) ; et akolasia paraît désigner expressément l’action de suivre (akolouthia) les choses. Ainsi, les noms que nous croyons appliqués aux choses les plus mauvaises apparaîtront tout à fait semblables à ceux qui désignent les meilleures. Et en s’en donnant la peine, on en trouverait, je crois, beaucoup d’autres dont on pourrait conclure au contraire que

  1. Cet endroit, où Socrate rattache le mot ἐπιστήμη à la notion de repos (ou d’arrêt), est inséparable de 412 a, où il expliquait le même nom par une idée contraire, celle du mouvement. Mais dans les deux cas le texte est incertain (voir la note à 412 a). En suivant Schanz, comme nous l’avons fait, on est obligé d’écrire ἐκβάλλοντες, et de considérer comme une intrusion les mots ἀλλὰ — ἰῶτα.
  2. Rattaché à ὁμαρτεῖν, accompagner (et non à ἁμαρτεῖν),