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CRATYLE

ble e aux objets qu’ils doivent représenter ? ou es-tu plus content de cette explication, donnée par Hermogène[1] et beaucoup d’autres, que les noms sont des conventions et qu’ils représentent les objets pour ceux qui en sont convenus et connaissaient les objets par avance ? Admets-tu que la justesse d’un nom consiste dans cette convention, et que cette convention, il est indifférent de l’établir comme nous la voyons établie, ou, tout au contraire, d’appeler grand ce que nous appelons aujourd’hui petit, et petit ce que nous appelons grand ? Lequel de ces deux modes préfères-tu ?

Cratyle. — En tout et 434 pour tout, Socrate, une imitation ressemblante est préférable au premier moyen venu, pour représenter ce qu’on représente.

Socrate. — Tu as raison. Donc, pour que le nom soit semblable à l’objet, les éléments dont on constituera les noms primitifs doivent, de toute nécessité, être naturellement semblables aux objets ? Je m’explique : aurait-on jamais composé le tableau dont nous parlions tout à l’heure[2] à la ressemblance de la réalité, si la nature ne fournissait, pour composer les tableaux, des couleurs[3] b semblables aux objets qu’imite la peinture ? Ne serait-ce pas impossible ?

Cratyle. — Impossible.

Socrate. — De même aussi les noms pourraient-ils jamais ressembler à aucun objet, si ces éléments dont se composent les noms ne se trouvaient à l’origine offrir quelque ressemblance avec les objets dont les noms sont les imitations ? Or ces éléments qui doivent servir à la composition, ce sont les lettres ?

Cratyle. — Oui.


Il y a dans l’établissement des noms une part de convention.

Socrate. — Suis-moi donc, à ton tour, dans la question que j’examinais tout à l’heure avec Hermogène. Voyons : avons-nous, selon toi, raison de dire, oui ou non que le r a de la ressemblance avec l’élan, le mouvement c et la dureté[4] ?

  1. 384 d sq.
  2. 430 b sq.
  3. Propr. drogues.
  4. Cf. 426 c.