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NOTICE

justes par nature. Et à ses conclusions précédentes il ajoute des réserves : les noms peuvent être inexacts ; l’usage et, sans doute, la convention ont une part dans leur formation ; et, pour connaître les choses, mieux vaut s’adresser à elles-mêmes qu’aux noms qui les désignent.

Prié de départager les deux thèses adverses, Socrate n’accorde donc son adhésion complète ni à l’une ni à l’autre ; ou plutôt, il leur en oppose une troisième. Après avoir paru admettre la justesse naturelle des noms, il restreint expressément la portée de cet acquiescement en faisant une place à l’usage. Et il donne tort à ses deux interlocuteurs, en montrant que les noms, soit qu’on les suppose établis par une convention avec Hermogène, ou fixés par la nature avec Cratyle, ne sont pas toujours justes.

Les intentions de l’auteur se dégageront plus nettement, si l’on étudie de près, une à une et dans leur succession, les différentes parties du Cratyle.

II

LES PARTIES SUCCESSIVES DU DIALOGUE

Socrate et Homère.

Ayant déterminé les conditions idéales dans lesquelles doivent être formés les noms (390 de), Socrate entreprend d’examiner en quoi consiste leur justesse naturelle et, pour s’en instruire, il propose de s’adresser aux poètes (391 cd). Que vaudront les résultats de cette consultation ? On sait par ailleurs ce que pense Platon de la « sagesse » poétique[1]. Protagoras, dans le dialogue qui porte son nom, estime que « la partie la plus importante de l’éducation consiste à être un connaisseur en poésie » (338 e). Mais Socrate n’est pas de cet avis : les gens cultivés n’ont aucun besoin de ces poètes qu’il est impossible d’interroger sur ce qu’ils veulent dire ; ils s’entretiennent entre eux par leurs propres moyens ; c’est avec des propos qui leur appartiennent qu’ils se mettent

  1. Cf. A. Kiock, De Cratyli Platonici indole ac fine, Diss. Breslau, 1913, p. 36, note. Kiock signale çà et là des trimètres ou fragments de trimètres dans le langage prêté à Socrate.