Cratyle. — Oui.
Socrate. — Tu conviens aussi que le nom est une imitation de la b chose ?
Cratyle. — Absolument.
Socrate. — Et les peintures, tu les considères comme une autre façon d’imiter certaines choses ?
Cratyle. — Oui.
Socrate. — Voyons. Il se peut que je n’entende pas bien ta pensée[1], et qu’elle soit pourtant juste. Est-il ou non possible de répartir ces deux sortes d’imitations — les peintures et les noms dont nous parlions — et de les appliquer aux choses qu’elles imitent ?
Cratyle. — C’est possible.
Socrate. — Commence donc par examiner ceci. c Peut-on rapporter[2] l’image de l’homme à l’homme, et celle de la femme à la femme, et ainsi du reste ?
Cratyle. — Parfaitement.
Socrate. — Et inversement, celle de l’homme à la femme, et celle de la femme à l’homme ?
Cratyle. — C’est encore possible.
Socrate. — Ces deux sortes d’attributions sont-elles justes, ou seulement l’une des deux ?
Cratyle. — L’une des deux.
Socrate. — Celle, je suppose, qui rapporte à chaque objet ce qui lui convient et lui ressemble.
Cratyle. — C’est mon avis.
Socrate. — Pour nous épargner une bataille de mots, puisque d nous sommes amis, toi et moi, accepte donc ma définition. C’est cette sorte d’attribution, mon camarade, que pour les deux genres d’imitation, les peintures[3] et les noms, j’appelle juste, et pour les noms, non seulement juste, mais
- ↑ Il s’agit, bien entendu, de l’affirmation énoncée plus haut par Cratyle, que tous les noms sont justes s’ils sont vraiment des noms. Socrate, qui s’apprête à la réfuter, admet courtoisement qu’il a pu se méprendre sur l’idée de l’adversaire.
- ↑ Ἄν… ἀποδοίη a un sens très net de potentiel : peut-il arriver que ? Cratyle le fait ressortir en répondant Ἔστι καὶ ταῦτα.
- ↑ Le mot ζῷον équivaut ici à ζωγράφημα (peinture), comme plus haut 429 a.
s’explique comme se rapportant, non à l’ensemble de la phrase, mais à τὸ ὄν (cf. plus loin τὰ μὴ ὄντα).