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CRATYLE


Le plan du Cratyle.

Dans ses grandes lignes, le plan du Cratyle rappelle celui du Protagoras[1]. Socrate, dans ce dernier dialogue, commence par contester la thèse de Protagoras que la vertu peut s’enseigner. Mais la discussion aboutit à renverser les positions prises au début ; et c’est Socrate qui finit par prouver à Protagoras, et contre lui, qu’il est possible d’enseigner la vertu. Il y a pourtant entre les deux ouvrages une différence essentielle. Dans le Protagoras, la deuxième partie semble réfuter entièrement la première ; il en est autrement dans le Cratyle, où le second entretien se borne à corriger fortement, mais sans les annuler, les conclusions tirées du premier.


Sens général du Cratyle.

L’analyse précédente permet de saisir la marche et d’apercevoir le sens général du dialogue. Deux thèses sont en présence : l’une, celle de Cratyle, consiste à soutenir que les noms sont justes par nature ; l’autre, celle d’Hermogène, prétend que la nature n’est pour rien dans cette justesse, qui est affaire de convention. Pris pour arbitre, Socrate montre que, les choses ayant une réalité permanente qui ne dépend pas de nous, la tâche de fixer les noms n’appartient pas au premier venu, mais au législateur, qui, sous la direction du dialecticien, doit leur imprimer la forme requise par chaque objet. Les noms semblent posséder, contrairement à l’opinion d’Hermogène, une certaine justesse naturelle. En quoi consiste cette justesse ? Après avoir expliqué l’étymologie d’un grand nombre de noms dérivés, Socrate arrive aux noms primitifs. Il détermine exactement les principes et la méthode à suivre, puis, passant à l’examen des lettres et de leur valeur, il conclut que le législateur paraît avoir créé pour chaque objet un signe et un nom, et être parti de là pour composer le reste : c’est en quoi consiste la justesse des noms.

La question qui faisait l’objet du débat semble donc résolue. Mais dans le second entretien, Socrate en reprend l’examen avec Cratyle. C’est à Cratyle qu’il semblait jusqu’ici donner raison contre Hermogène. Maintenant, il combat la thèse de son interlocuteur que tous les noms sont

  1. Voir F. Horn, o. l., p. 18.