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s’il existe en eux des espèces comme dans les éléments. Tous ces problèmes une fois bien examinés à fond, nous saurons attribuer chaque élément d’après sa ressemblance, qu’il faille en attribuer un seul à un seul objet, ou en mélanger plusieurs pour un objet unique. Les peintres, pour obtenir la ressemblance, posent tantôt une simple teinte de pourpre, et tantôt quelque autre e couleur ; parfois aussi ils en mêlent plusieurs, comme quand ils préparent un ton de chair ou tel autre du même genre, suivant, j’imagine, que chaque portrait semble demander une couleur particulière. De même nous appliquerons, nous aussi, les éléments aux choses, à une seule l’élément unique qui paraîtra nécessaire, ou plusieurs à la fois en formant ce qu’on nomme des syllabes ; nous assemblerons à leur tour les syllabes, 425 qui servent à composer les noms et les verbes ; et de nouveau, avec les noms et les verbes nous nous mettrons à constituer un grand et bel ensemble, comme tout à l’heure l’être vivant reproduit par la peinture ; ici, c’est le discours que nous constituerons, par l’art des noms ou par la rhétorique, bref, par l’art approprié. Ou plutôt ce n’est pas nous — la parole m’a entraîné —, car cette composition, telle qu’elle existe, a été l’œuvre des anciens. Notre rôle à nous, si nous savons examiner tous ces problèmes suivant les règles de l’art, c’est, après avoir fait ces distinctions, b de voir de la même manière si les noms primitifs et les dérivés ont été ou non établis comme il faut. Adopter un autre enchaînement risquerait d’être défectueux et contraire à la méthode, mon cher Hermogène.

Hermogène. — Par Zeus ! Socrate, c’est bien possible.

Socrate. — Eh bien, te crois-tu capable, toi, le cas échéant, de faire ces distinctions ? Moi non.

Hermogène. — Alors, j’en suis bien éloigné pour mon compte !

Socrate. — Y renoncerons-nous donc, ou veux-tu que nous essayions selon nos moyens, si peu que nous soyons capables d’y voir clair ? c Un peu plus haut, nous avons prévenu les dieux que, dans notre ignorance de la vérité, nous

    son ni bruit (les muettes). Il en résulte qu’ici τὰ ἄφωνα καὶ ἄφθογγα désigne une seule et même catégorie ; la particule τε rattache ce premier groupe au second (καὶ τὰ αὖ φωνήεντα μὲν οὔ, etc.). Cf. Bergk, Zeitschrift f. Altertumswissenschaft, 1843, p. 24, et Théét., 203 ab.