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CRATYLE

saierions-nous pas, comme le font en réalité les muets, de les indiquer avec les mains, la tête, et le reste du corps ?

Hermogène. — Le moyen autrement, Socrate ?

Socrate. — 423 Si nous voulions, je suppose, représenter le haut et le léger, nous lèverions la main vers le ciel, pour mimer la nature même de la chose ; si c’était le bas et le lourd, nous l’abaisserions vers le sol[1]. Et pour représenter en train de courir un cheval ou quelque autre animal, nous rendrions, tu le sais, notre corps et nos attitudes aussi semblables que possible aux leurs.

Hermogène. — Il ne peut, je crois, en être autrement.

Socrate. — C’est ainsi, je pense, que le corps serait un moyen de représentation[2], b en mimant, semble-t-il, ce qu’il voudrait représenter.

Hermogène. — Oui.

Socrate. — Mais puisque c’est de la voix, de la langue et de la bouche que nous voulons nous servir pour représenter, n’obtiendrons-nous pas la représentation de chaque chose, celle qui s’acquiert par les moyens, quand nous les appliquerons à mimer n’importe quoi ?

Hermogène. — Nécessairement, à mon avis.


Première définition du nom.

Socrate. — Ainsi, le nom est semble-t-il une façon de mimer par la voix ce que l’on mime et nomme, quand on se sert de la voix pour mimer ce qu’on mime.

Hermogène. — C’est mon avis.

Socrate. — c Ce n’est pas le mien, par Zeus ! La définition, mon camarade, ne me semble pas encore bonne[3].

Hermogène. — Pourquoi donc ?

Socrate. — Ces gens qui imitent les brebis, les coqs et les autres animaux, nous serions forcés de convenir qu’ils nomment ce qu’ils miment.

  1. Πρὸς τὴν γῆν dépend d’un irréel sous-entendu : καθίεμεν ἄν, qui répondrait à ἤρομεν ἂν. Il y a ici un zeugma.
  2. Τῷ σώματι est un datif instrumental dépendant directement de δήλωμα. La construction, qui n’est pas rare en grec, s’explique par la notion verbale impliquée dans δήλωμα. Stallbaum compare Rép., III, 397 b, μιμήσεως φωναῖς τε καὶ σχήμασιν : imitation qui se fait au moyen de sons et de gestes.
  3. Suivant un procédé caractéristique de sa manière, Socrate