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CRATYLE

Hermogène. — Ma question va donc porter sur les noms les plus importants et les plus beaux, 421 sur la vérité et le mensonge, sur l’être, enfin sur l’objet même de notre entretien, le nom. Pourquoi est-il ainsi nommé ?

Socrate. — Voyons, est-il une chose que tu appelles maïesthaï ?

Hermogène. — Oui, rechercher.

Socrate. — Eh bien, ce nom semble forgé d’après une proposition disant que le nom (onoma) est l’être sur lequel porte la recherche. Tu le reconnaîtras encore mieux dans ce que nous appelons onomaston (ce qui est à nommer). Car ici l’expression est claire : il s’agit de l’être qui est objet d’enquête (on hou mâsma). Alêtheïa (vérité), b à son tour, ressemble aux autres noms, et paraît être un composé ; c’est le mouvement divin de l’être qui semble désigné par cette locution, alêtheïa, entendue comme une course divine (alê théïa). Pseudos (mensonge) est l’opposé du mouvement ; nous voyons encore revenir les injures adressées à ce qui est arrêté et contraint de rester en repos ; il a été formé par comparaison avec les gens endormis ([kath]eudousi), mais l’addition du ps cache le sens du nom. On (être) et ousia (essence) disent la même chose que alêthés (le vrai), en prenant l’i ; être, en effet, signifie allant (ion), et non-être (ouk on), à son tour, comme l’indique le nom que certains lui donnent, c veut dire n’allant pas (ouk ion)[1].


Les noms primitifs.

Hermogène. — Ces analyses, Socrate, tu me sembles les avoir poursuivies avec la plus grande vaillance. Mais si l’on demandait, à propos de ion (ce qui va), rhéon (ce qui coule), doun (ce qui enchaîne), quelle est la justesse de ces noms ?

Socrate. — Que répondrions-nous, veux-tu dire ? N’est-ce pas ?

Hermogène. — Parfaitement.

Socrate. — Eh bien, un expédient[2] que nous avons fourni tout à l’heure peut donner quelque apparence à notre réponse.

  1. Pour l’oreille, οὐκ ἰόν se confond avec οὐκὶ (forme ionienne de la négation) ὄν.
  2. Sur cet « expédient », voir 409 b.