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CRATYLE

ainsi le feu, avec un léger changement. De même pour hudôr (eau), kunas (chiennes), et bien d’autres.

Hermogène. — C’est exact.

Socrate. — Il ne faut donc pas faire violence à ces noms, — sans quoi l’on aurait à dire sur leur compte. Le feu et l’eau, je les écarte de la sorte. b Quant à l’air (aêr), Hermogène, est-ce parce qu’il enlève (aïréï) ce qui est sur la terre qu’il est nommé aêr ? ou parce qu’il est dans un flux perpétuel (aéï rhéï) ? ou parce que le souffle du vent naît de son cours ? Car les poètes, n’est-ce pas ? appellent aêtaï les souffles du vent. Peut-être veut-il donc dire aêtorrhous (qui s’écoule en haleines), comme qui dirait pneumatorrhous (qui s’écoule en souffles). Quant à l’éther, voici à peu près mon opinion : comme il court sans cesse en circulant (aéï théï rhéôn) autour de l’air, il mériterait le nom de aéïthéêr (qui court toujours). La terre () manifeste plus clairement sa signification si on la nomme gaïa. c Car gaïa serait justement appelée procréatrice, suivant Homère : il dit en effet gégâasi pour gégennêsthaî (avoir été enfanté). Eh bien, que nous restait-il après cela ?

Hermogène. — Les saisons, Socrate, l’année et l’an.

Socrate. — Le nom des saisons (hôraï), c’est à l’ancienne mode attique[1] qu’il faut le prononcer, si tu veux en connaître le sens probable. Elles sont horaï parce qu’elles déterminent (horizéïn) les hivers et les étés, les vents et les fruits de la terre ; or, en tant qu’elles déterminent, elles méritent le nom de horai. Éniautos (année) et d étos (an) ont chance d’être une seule et même chose. Ce qui amène tour à tour à la lumière les productions et les êtres, et les contrôle soi-même en soi-même rappelle, en effet, ce que nous disions plus haut de Zeus, dont le nom, coupé en deux, était Zêna pour les uns et Dia pour les autres. De même ici les uns disent éniautos, de én héautô (en soi-même), les autres étos, de étazeï (contrôle). L’ensemble de l’explication est que cette expression, én héautô étazon (contrôlant en soi-même), se prononce en deux parties, bien que faisant un tout, de manière à former deux noms, éniautos et étos, issus d’une seule e locution.

  1. L’ancien alphabet attique n’avait pas de signe particulier pour l’ω. L’ο notait aussi ου et ω.