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CRATYLE

Socrate. — Par où donc commencer ? Veux-tu que nous suivions ton ordre, en parlant du soleil (hêlios) ?

Hermogène. — Parfaitement.

Socrate. — On y verrait plus clair, semble-t-il, si l’on prenait le nom dorien 409halios est en effet l’appellation dorienne — ; il peut être halios en tant qu’il rassemble (halizéïn) les humains au même endroit, quand il se lève ; il peut l’être aussi parce qu’il roule sans cesse (aéï héïléïn) autour de la terre dans sa course, ou encore, semble-t-il, parce que dans sa marche il nuance (poïkilléi) de couleurs variées les productions de la terre ; or poïkilléïn et aïoléïn reviennent au même.

Hermogène. — Et la lune (sélênê) ?

Socrate. — Voilà un nom qui paraît accablant pour Anaxagore.

Hermogène. — Pourquoi ?

Socrate. — Il a bien l’air de montrer une conception plus ancienne dans cette thèse récente du philosophe que la lune reçoit b sa lumière du soleil[1].

Hermogène. — Comment cela ?

Socrate. — Clarté (sélas) et lumière sont, n’est-ce pas ? une même chose.

Hermogène. — Oui.

Socrate. — Cette lumière de la lune est toujours « nouvelle et ancienne », si l’école d’Anaxagore dit vrai[2]. Car le soleil, tournant sans cesse autour d’elle, projette sans cesse sur elle une lumière « nouvelle », et celle du mois précédent est « ancienne ».

Hermogène. — Parfaitement.

Socrate. — Or sélanaia[3] est le nom que beaucoup donnent à la lune.

Hermogène. — Parfaitement.

Socrate. — Puisque son éclat (sêlas) est toujours (aéi) nou-

    homérique à Pan, les immortels lui donnèrent son nom parce que sa vue les avait tous (πᾶσιν) égayés quand son père l’avait apporté, nouveau-né, dans l’Olympe (v. 47).

  1. Plutarque, De placitis philosophorum, II, 27, attribue cette théorie à Thalès et à son école.
  2. Anaxagore passait pour avoir expliqué le premier les phases de la lune. Mais d’après Plutarque, Nicias, 23, ses théories étaient encore tenues secrètes au ve siècle, et acceptées seulement d’un petit nombre.
  3. La forme σεληναίη se trouve chez Aristophane, Nuées (614) ;