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CRATYLE

éïréïn qu’elle semble avoir tiré son nom, car elle était messagère.]

Hermogène. — Par Zeus ! Cratyle avait bien raison, à ce compte, de me refuser le nom d’Hermogène : je n’ai certes pas grandes ressources de parole !

Socrate. — Et même que Pan, fils d’Hermès, présente une double nature, voilà qui est vraisemblable, mon camarade.

Hermogène. — Comment c cela ?

Socrate. — Tu sais que le discours exprime tout, roule et met sans cesse tout en circulation. Et il est de deux sortes : vrai et faux[1].

Hermogène. — Parfaitement.

Socrate. — Ce qu’il a de vrai est poli et divin, et habite là-haut avec les dieux, tandis que le faux reste en bas avec le commun des hommes, rude et rappelant le bouc (tragikon). Car c’est ici, dans la vie tragique[2], que se trouvent pour la plupart fables et mensonges.

Hermogène. — Parfaitement.

Socrate. — C’est donc à bon droit que celui qui fait tout (pân) connaître, et sans cesse met tout en circulation (aéï polôn) sera nommé Pan aïpolos (Pan chevrier). d Fils d’Hermès[3], il a double nature : poli par en haut, mais, par en bas, rude et semblable à un bouc. Et Pan est ou bien le langage lui-même, ou le frère du langage, s’il est vraiment fils d’Hermès ; or qu’un frère ressemble à son frère, rien d’étonnant. Mais, comme je le disais, bienheureux Hermogène, laissons là les dieux.


Les astres et les phénomènes naturels.

Hermogène. — Du moins ceux de cette sorte, Socrate, si tu y tiens. Mais qui t’empêche de parler des dieux tels que le soleil, la lune, les astres, la terre, l’éther, l’air, le feu, e l’eau, les saisons et l’année ?

Socrate. — C’est bien de l’ouvrage que tu me donnes ! Pourtant, si tu dois y prendre plaisir, je consens.

Hermogène. — Assurément tu me feras plaisir.

  1. Cf. 385 b.
  2. Platon joue sur le sens de τραγικός, et songe aux légendes mises à la scène par les tragiques, qu’il condamne dans la République.
  3. Il était né d’Hermès et de la fille de Dryops. Suivant l’hymne