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lui-même, son père, ne pourrait l’aider à les retenir en les assujettissant dans ses liens légendaires[1] ?

Hermogène. — Tu as probablement raison, Socrate.

Socrate. — Et le nom d’Hadès, Hermogène, bien b loin d’être dérivé d’invisible (aéïdês), indique beaucoup plutôt la connaissance (éïdénaï) de toutes[2] les belles choses ; c’est de là que le législateur a tiré l’appellation d’Hadès.

Hermogène. — Bon. Et Déméter, Héra, Apollon, Athéna, Héphaïstos, Arès et les autres dieux, qu’en disons-nous ?

Socrate. — Déméter semble avoir dû au don de la nourriture, qu’elle nous fait comme une mère (didousa… mêtêr), le nom de Déméter ; Héra est aimable (ératê), et c’est ainsi, dit-on, que Zeus, s’étant épris d’elle, l’a pour c épouse. Peut-être aussi le législateur, occupé des phénomènes célestes, a-t-il, sous une forme déguisée, donné le nom d’Héra à l’air (aêr), en mettant le début du mot à la fin ; tu t’en rendrais compte si tu répétais plusieurs fois le nom d’Héra[3]. Pherréphatta[4] est encore un nom que beaucoup redoutent comme celui d’Apollon, par ignorance, semble-t-il, de la juste valeur des noms. Car ils le modifient pour le considérer sous la forme de Pherséphone, et il leur paraît terrible[5]. En réalité il indique la sagesse d de cette divinité ; les choses en effet étant en mouvement, y atteindre, les toucher et pouvoir les suivre sera marque de sagesse. C’est donc le nom de Phérépapha que cette sagesse et ce contact avec le mouvement (épaphê tou phéroménou) vaudraient justement à la déesse, ou un nom analogue. C’est aussi pourquoi Hadès, sage lui-même, vit avec elle, parce qu’elle a ce caractère. Seulement

    l’Hélène d’Euripide, les invoque comme des divinités chthoniennes (v. 167 et sq.). Leur image était fréquemment mise sur les tombeaux.

  1. Père d’Hadès, comme de Zeus et de Poséïdon, Kronos, détrôné par Zeus, fut précipité et enchaîné dans les profondeurs du Tartare, d’après l’Iliade (XIV, 203-204).
  2. Ἅιδης est ici tiré de (collectif ou intensif) — εἰδέναι.
  3. Si l’on répète plusieurs fois de suite le mot Ἥρα sans observer de pause, l’oreille entend ἀήρ aussi bien que Ἥρα.
  4. Au lieu de Φερσεφόνη ou Περσεφόνη, qui sont des formes poétiques, les inscriptions attiques en prose emploient la forme Φερρέφαττα. Les décrets disent Κόρη, (cf. Meisterhans, Grammat. der att. Inschr., p. 100, 3).
  5. Parce qu’ils font venir ce nom de φέρειν et φόνος : qui apporte