Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome V, 2.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.
401 b
78
CRATYLE

Socrate. — L’établissement de ces noms dénote clairement, pour moi, des hommes de ce caractère. Et si l’on examine les noms étrangers à l’attique, c on découvre tout aussi bien ce que veut dire chacun d’eux. Par exemple, ce que nous appelons, nous autres, ousia certains l’appellent essia, d’autres encore ôsia[1]. Eh bien, en premier lieu, que l’essence (ousia) des choses soit appelée Hestia, d’après le second de ces noms[2], voilà qui est logique ; et quand, d’autre part, nous désignons, nous, par Hestia ce qui participe à l’existence (ousia)[3], en ce sens encore Hestia est le nom juste : car nous-mêmes, semble-t-il, nous appelions anciennement essia l’existence (ousia). En outre, si l’on y réfléchit à la lumière des sacrifices, on interprétera ainsi d la pensée de ceux qui ont établi ces noms : avant tous les dieux, c’est à Hestia la première que doivent naturellement sacrifier les hommes qui nommèrent Hestia l’essence de toutes choses. Quant aux auteurs d’ôsia, ceux-là doivent croire à peu près, comme Héraclite, que les choses qui sont se meuvent toutes et que rien ne demeure ; qu’elles ont donc pour cause et pour principe directeur l’impulsion (to ôthoun), bien nommée par suite ôsia. Mais c’est assez parlé sur ce sujet pour des gens qui ne savent rien. Après Hestia, il est juste d’examiner Rhéa et Kronos. e Le nom de Kronos, à vrai dire, nous l’avons déjà passé en revue[4] : mais peut-être mes propos sont-ils sans valeur.

Hermogène. — Comment cela, Socrate ?

Socrate. — Mon bon, il m’est venu à l’esprit tout un essaim de savantes pensées.

Hermogène. — De quelle nature ?

Socrate. — La chose est tout à fait risible à dire, et pourtant, à mon avis, 402 ne manque pas de vraisemblance.

Hermogène. — Quelle vraisemblance ?

Socrate. — Je crois voir Héraclite énoncer d’antiques et

  1. La forme dorienne ὠσία se rencontre chez Stobée, Ecl., I, 424 (Ocellos) et I, 712 (Archytas). — Quant à ἐσσία, c’est aussi une forme dorienne qu’on retrouve ailleurs : Stobée, Ecl. phys., I, p. 8 (Philolaos). Voir Bergk, Zeitschr. f. Alterthumswissenschaft, 1843, p. 24.
  2. C’est-à-dire ἐσσία.
  3. Une chose est parce qu’elle participe à l’existence, Cf. Soph., 246 a, et la note de M. Diès.
  4. 396 b.