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CRATYLE

d’un souhait : ainsi Euthychidès[1], Sosias[2], Théophile[3] et maint autre. Ceux de ce genre, il faut, à mon avis, les laisser de côté ; mais il y a apparence que nous découvrirons surtout les dénominations justes dans ce qui a, par nature, une existence éternelle. Car c’est là surtout que l’attribution des noms doit avoir été faite c avec soin ; peut-être même certains d’entre eux sont-ils l’œuvre d’une puissance plus divine que celle des hommes[4].

Hermogène. — Tu me parais avoir raison, Socrate.


Les noms des dieux.

Socrate. — Dans ces conditions, n’est-il pas juste de commencer par les dieux, en examinant comment peut bien se justifier ce nom même de dieux qu’on leur a donné ?

Hermogène. — C’est naturel.

Socrate. — Voici donc ce que je soupçonne, pour ma part. À mon avis, les premiers habitants de la Grèce croyaient seulement aux dieux qui sont aujourd’hui ceux de beaucoup de d Barbares : le soleil, la lune, la terre, les astres et le ciel ; les voyant tous agités d’un mouvement et d’une course perpétuels, c’est d’après cette faculté naturelle de courir (théïn) qu’ils les nommèrent dieux (théoï[5]) ; plus tard, quand ils reconnurent tous les autres, c’est désormais ce nom qu’ils leur appliquaient. Mon explication a-t-elle ou non quelque apparence de vérité ?

Hermogène. — Oui, bien certainement.

Socrate. — Qu’examiner après cela ? N’est-ce pas évidemment les génies, les héros et les hommes ?

  1. Euthychidès vient de εὐτυχής, heureux.
  2. Sosias est rattaché à σῴζω, sauver.
  3. Voir plus haut, 394 e, et la note.
  4. Plus loin (425 d) Socrate lui-même rejettera cette explication, comme un expédient trop commode. Mais l’on verra Cratyle y recourir (438 c) à son tour quand l’argumentation de Socrate l’aura réduit aux abois.
  5. Hérodote propose pour θεός une autre étymologie, qui n’est pas moins fantaisiste. D’après lui (II, 52), les Pélasges donnaient ce nom aux dieux comme ayant mis en ordre (κόσμῳ θέντες) toutes choses. — L’étymologie indiquée par Socrate est de nature à plaire aux disciples d’Héraclite, comme Cratyle, partisans du mouvement perpétuel.