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MÉNEXÈNE

Omissions délibérées, partialité des interprétations, grossissements systématiques ne sont pas les seuls défauts à relever dans l’exposé historique du Ménexène. On peut y signaler des altérations manifestes et des mensonges grossiers[1]. À Marathon, dit l’orateur (240 c), personne ne secourut les Athéniens : cependant, nul n’ignorait à Athènes qu’un millier de Platéens[2] avaient pris part à la lutte et contribué à la victoire. Il n’est pas vrai que pendant la guerre d’Archidamos tous les Grecs fussent ligués contre Athènes (242 c) : en face des Péloponnésiens elle avait ses alliés, énumérés par Thucydide (II, 9). L’orateur attribue le désastre de Sicile à l’impossibilité où se trouvait Athènes d’envoyer des renforts au corps expéditionnaire (242 c-243 a) : or, elle fit partir dix vaisseaux avec Eurymédon dans l’hiver de 414/413[3], et, l’année suivante, une armée et une flotte sous le commandement de Démosthène. Comment le Ménexène peut-il affirmer (243 d) que les Athéniens gagnèrent non seulement la bataille des Arginuses, mais le reste de la guerre du Péloponnèse, quand l’épouvantable désastre d’Ægos Potamoi fit tomber plus de cent soixante-dix trières athéniennes aux mains de l’ennemi[4], et réduisit la ville à capituler après quatre mois de siège ? En vérité, ce sont bien là les éloges dont se moque Socrate au début du dialogue, en disant (234 c) qu’ils célèbrent également τὰ προσόντα καὶ τὰ μή. On n’est pas moins surpris d’entendre dire que les guerres médiques n’ont pas encore été célébrées dignement par la poésie et que le sujet est encore vierge (239 c), après les élégies composées par Simonide à la gloire de Marathon, de Salamine et de Platées, les éloges prodigués par Pindare à Athènes pour son rôle dans les guerres médiques, après les Phéniciennes de Phrynichos et les Perses d’Eschyle[5].


Ce que Platon pense de ces éloges.

Platon s’est chargé lui-même d’indiquer la valeur qu’il attribue à certains de ces éloges. La dispute des Divinités, où le Ménexène voit la preuve que l’Attique est particulièrement

  1. Wendland, o. l., p. 83.
  2. Nepos, Milt., 5 ; cf. Hérodote, VI, 108.
  3. Thucydide, VI, 16.
  4. Xénophon, Hell., II, 1, 20 et 28.
  5. Lysias se borne à dire du sujet qu’il va traiter que la poésie et l’éloquence n’en ont pas encore épuisé la richesse (Épit., 1, 2).