Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome V, 1.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
MÉNEXÈNE

va de 457 à 431, il jette un voile sur les échecs subis par la cité[1]. Évoquant la guerre d’Archidamos (242 c), il passe sous silence le soulèvement des villes de Thrace et de Chalcidique, et la prise d’Amphipolis par Brasidas. S’il fait allusion, un peu plus loin (244 b-c), aux désastreuses conditions de la paix de 404, il est muet, quand il la mentionne (243 d), sur l’humiliation infligée à Athènes[2]. Pas un mot ne rappelle les excès commis par les Trente (243 e) : mesures de bannissement, spoliations, massacres.

Ces omissions volontaires peuvent trouver leur excuse, en dehors des habitudes imposées par la tradition, dans les lois mêmes de l’éloge. Mais voici qui est plus grave. D’un bout à l’autre de cet exposé historique, on sent le parti pris de tourner à la gloire d’Athènes toutes les démarches de sa politique. Tout y est dominé par cette idée — lieu commun, on l’a vu, de l’oraison funèbre — qu’elle n’a jamais eu d’autre loi que l’amour de la liberté et le généreux appui donné aux faibles[3]. L’accusation portée par Darius contre Athènes et Érétrie est qualifiée de prétexte (240 a προφασιζόμενος)[4]. Toute la gloire des guerres médiques est réservée à Athènes. L’orateur ne parle point des Thermopyles ; il laisse entendre que les Athéniens ont remporté à eux seuls les victoires d’Artémision et de Salamine[5]. La bataille de Platées est donnée (241 c) comme un triomphe commun aux Athéniens et aux Lacédémoniens[6].

  1. Vaine expédition entreprise contre Pharsale, en 454, de concert avec la Béotie et la Phocide, pour rétablir Oreste, roi de Thessalie (Thucyd., I, 111) ; désastre essuyé en 440 par Tolmidès près de Coronée (Thucyd., I, 113) ; soulèvement de l’Eubée en 446 ; massacre de la plupart des Athéniens résidant à Mégare et ravage de la plaine de Thria par les Péloponnésiens (id., I, 114).
  2. Il se borne à dire : « La tranquillité étant revenue, et la paix faite avec les autres ».
  3. Cf. Thucydide, II, 40.
  4. Vingt trières athéniennes et cinq vaisseaux d’Érétrie avaient cependant participé à l’expédition contre Sardes, à la prise et à l’incendie de la ville (Hérodote, V, 99-103).
  5. Suivant Hérodote (VIII, 1, 2) la flotte grecque d’Artémision, forte de 271 vaisseaux, ne comptait que 127 navires athéniens ; à Salamine, les Grecs avaient réuni 198 vaisseaux auprès des 180 bâtiments fournis par Athènes (id., VIII, 44-48).
  6. En fait Athènes n’avait mis en ligne que 8 000 hommes sur les 38 700 hoplites (Hérodote, IX, 28, 29) qui formaient le gros de