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EUTHYDÈME

lument, dit Ctésippe, pourvu que c le buveur ait la taille de la statue de Delphes[1]. — De même aussi dans la guerre, dit-il, puisque c’est un bien d’avoir des armes, il faut avoir le plus possible de lances et de boucliers, s’il est vrai que ce soit un bien ? — Naturellement, dit Ctésippe ; et toi, ne le crois-tu pas, Euthydème ? te contenterais-tu d’un bouclier et d’une lance ? — Oui. — Et Géryon, dit-il, et Briarée, est-ce ainsi que tu les armerais ? Pour ma part, je te croyais plus habile, toi un professionnel du combat en armes, ainsi que ton compagnon ! »

Euthydème se tut ; mais Dionysodore, revenant d aux réponses précédentes de Ctésippe, lui demanda : « Et de l’or, te paraît-il bon d’en avoir ? — Parfaitement, et même beaucoup, dit Ctésippe. — Eh bien, de bonnes choses, ne crois-tu pas qu’il faut en avoir toujours et partout ? — Certainement, dit-il. — Et l’or est une bonne chose, tu en conviens ? — J’en suis déjà convenu, dit-il. — Il faut donc l’avoir toujours et partout et le plus possible sur soi ? Et l’on serait au comble du bonheur avec trois talents d’or dans e le ventre, un talent dans le crâne, et un statère d’or dans chaque œil ? — On conte en tout cas, Euthydème, repartit Ctésippe, que les Scythes les plus heureux et les meilleurs sont ceux qui ont de l’or, beaucoup d’or dans leurs crânes[2], selon le raisonnement qui te faisait dire tout à l’heure que le chien était mon père ; chose plus étonnante encore, qu’ils boivent dans leurs crânes ornés d’or, et qu’ils en regardent l’intérieur, en tenant dans leurs mains le sommet de leur tête. »

« 300 Les Scythes et les autres hommes, dit Euthydème, voient-ils ce qui est susceptible de vue ou ce qui n’en est pas susceptible ? — Ce qui en est susceptible, évidemment. — Toi aussi, par conséquent ? dit-il. — Moi aussi. — Tu vois nos manteaux ? — Oui. — Ils sont donc susceptibles de voir. — Merveilleusement, dit Ctésippe. — Quoi ? dit l’autre. — Rien. Toi, tu leur refuses peut-être la vue : tant tu es déli-

  1. Comme veut bien me le faire savoir mon savant collègue M. É. Bourguet, il s’agit presque sûrement de la statue d’Apollon dédiée par les Grecs après Salamine (Pausanias, X, 14, 3). D’après Hérodote (VIII, 121) elle mesurait douze coudées de haut (plus de 5,50 m). Elle devait s’élever devant la façade orientale du temple, tout près et probablement un peu à l’ouest des bases de Gélon.
  2. Voir Hérodote, IV, 65 : « les Scythes ont l’habitude de se