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EUTHYDÈME

sont les discours d’exhortation que je désire. Peut-être le mien est-il d’un profane[1], pénible et prolixe. Que l’un de vous deux, à votre choix, nous fasse, en le traitant avec art, une leçon[2] sur le même sujet. Si vous n’y consentez pas, prenez la suite, au point où e je me suis arrêté ; montrez à ce garçon s’il doit acquérir n’importe quelle science, ou s’il en est une qu’il doit recueillir pour vivre heureux et en homme de bien, et quelle est cette science. Comme je le disais en commençant[3], il est pour nous de grande importance que ce jeune homme-là soit sage et honnête. »


Rentrée en scène des sophistes.

283 Tel fut mon langage, Criton. Quant à ce qui allait suivre, j’y prêtais une extrême attention[4] ; je guettais la manière dont ils engageraient l’entretien, et par où ils commenceraient pour inviter notre jeune homme à s’exercer au savoir et à la vertu. Ce fut l’aîné, Dionysodore, qui le premier prit la parole ; nous tous, nous tournions les yeux vers lui, nous attendant tout aussitôt à des propos merveilleux. C’est précisément ce qui nous advint : admirable, b Criton, fut le discours que notre homme entama. Il vaut la peine que tu voies, en l’écoutant, comment il était fait pour exhorter à la vertu.

« Dites-moi, Socrate et vous autres, dit-il, qui vous prétendez impatients de voir ce jeune homme sage, plaisantez-vous en tenant ce propos, ou en avez-vous vraiment le désir, et parlez-vous sérieusement ? »

Il me vint alors l’idée qu’ils avaient cru à une plaisanterie, quand nous les exhortions précédemment[5] à s’entretenir avec le jeune homme, et qu’ils y avaient répondu par une plaisanterie, au lieu de c parler sérieusement. Cette idée

  1. Socrate s’en était déjà excusé avant de commencer son entretien avec Clinias (voir 278 e, ἰδιωτικῶς). Il va sans dire que cette modestie n’est qu’une forme de l’ironie socratique. La dialectique de Socrate ne se flatte pas d’atteindre rapidement le but ; au contraire, elle chemine pas à pas, et les longueurs sont inséparables de sa méthode.
  2. Sur le sens particulier de ἐπιδεικνύναι (ou ἐπιδείκνυσθαι), cf. 274 d et la note.
  3. Voir 275 a.
  4. Comparer 272 d.
  5. Voir 275 b.