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EUTHYDÈME

ceux dont l’habileté s’exerce sur les discours destinés aux tribunaux. Non qu’il soit lui-même un orateur : il ne semble pas s’être jamais présenté devant un tribunal, mais il compose des discours à l’usage d’autrui[1]. Il fait partie de ces gens qui, tenant le milieu entre le philosophe et l’homme d’État, prennent de la philosophie et de la politique juste le nécessaire, et recueillent les fruits de leur sagesse à l’abri des luttes et des périls. Inférieurs au politique comme au philosophe, placés dans la réalité au troisième rang, ils cherchent à occuper le premier devant l’opinion. Se font-ils battre dans la discussion ? c’est aux éristiques qu’ils attribuent leur échec.


Isocrate.

Quiconque lit ce portrait sans prévention songe aussitôt à Isocrate. La présomptueuse vanité d’Isocrate était célèbre de son temps ; elle s’étale abondamment dans ses discours. Au début de l’Échange il se compare à Phidias, Zeuxis, Parrhasios[2]. Il s’écrie dans le Panégyrique (43 c) : « Si je ne parle avec l’éclat qui convient à mon sujet, à ma propre renommée, au temps que j’ai consacré à ce discours, et à ma vie tout entière, je demande à n’obtenir aucune indulgence, mais la risée et le mépris… ». Lui-même nous apprend que la faiblesse de sa voix et sa timidité ne lui ont jamais permis de prendre la parole en public[3]. Il a commencé par être logographe : cinq[4] parmi les discours qui nous restent de lui sont des plaidoyers

  1. Ce détail prouve que Platon ne songe pas ici à Lysias. Wilamowitz estime que le lecteur athénien ne pouvait appliquer qu’à Lysias ce portrait de logographe : Lysias s’était montré l’adversaire des philosophes ; il attaquait leur arrogance dans un discours contre Eschine le Socratique (Athénée, XIII, 611) et traitait Platon de sophiste comme Eschine (Aristide, Ὑπὲρ τῶν τεττάρων, 517, 311). Mais il avait plaidé pour son propre compte contre Ératosthène en 403, et il serait invraisemblable que Platon eût perdu le souvenir de ce procès retentissant. Wilamowitz reconnaît d’ailleurs que la suite du portrait ne peut se rapporter à Lysias, et que Platon n’a pas eu l’intention de le viser.
  2. 310 b.
  3. Panathén., 234 cd ; Phil., 98 c, etc.
  4. En laissant de côté le discours Πρὸς Εὐθύνουν, apocryphe selon Drerup (Isocratis opera omnia, vol. I, ch. iv).