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NOTICE


L’interlocuteur anonyme de Criton.

Que Platon crût nécessaire de séparer cette méthode de celle des éristiques, en dissipant une confusion possible ou réelle, c’est ce que prouve, outre le trouble de Criton, la conversation qu’il rapporte à Socrate. L’inconnu qui a commenté devant lui l’entretien enveloppe dans les mêmes sarcasmes Socrate, les sophistes et la philosophie elle-même (304 e). Ici Platon a certainement en vue un adversaire déterminé, non pas un groupe[1], mais un individu ; la preuve en est que Criton prétend rapporter presque littéralement ses paroles. Divers noms ont été mis en avant[2], mais depuis Spengel[3] on admet ordinairement qu’il s’agit d’Isocrate[4]. On sait qu’Isocrate est nommé à la fin du Phèdre, dans des termes où les uns ont voulu voir un éloge sincère, les autres, au contraire, une ironie dédaigneuse et une critique. Nous n’avons pas à examiner ici cette question délicate, ni le lien qui peut être établi entre l’Euthydème et le Phèdre. De quelque façon qu’on interprète le passage du Phèdre, il n’est pas nécessaire d’y recourir pour expliquer celui de l’Euthydème. Les relations de Platon et d’Isocrate ont pu d’ailleurs varier selon les époques, au cours de deux carrières qui furent longues[5].

Comment nous est présenté l’inconnu de l’Euthydème ? C’est un homme qui se croit d’une sagesse accomplie, et qui s’imagine en avoir la réputation auprès du public, un de

  1. Comme le pensait Stallbaum (Disputatio de Euthydemo Platonis, p. 47), qui jugeait l’attaque dirigée contre les logographes en général.
  2. Thrasymaque, par Winckelmann (Proleg., p. xxxiv et sq.) ; peut-être visé en effet, mais à un autre endroit (290 a) ; Polycrate, par Fr. Hermann ; Théodore de Byzance, par Sauppe.
  3. L. Spengel, Isokrates und Platon (Abhandl. der philosoph.-philologischen Classe der königl. bayer. Akad. der Wissenschaften), Münich, 1853, VII, 1, p. 729 suiv..
  4. Cependant la thèse de Spengel a été combattue par B. de Hagen, Num simultas intercesserit Isocrati cum Platone, Diss., Iena, 1906, et plus récemment par U. von Wilamowitz-Moellendorff, Platon, II, p. 107 sq.
  5. Th. Gomperz, o. l., p. 566, le fait justement remarquer. L. Spengel admet une évolution dans ces rapports, mais ce qu’il dit de la date du Phèdre et l’interprétation qu’il donne de « l’éloge » d’Isocrate sont sujets à caution.