Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome V, 1.djvu/182

Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
EUTHYDÈME

pas encore découvert la clef du problème ? Mais il serait étrange qu’il mît cet aveu dans la bouche de Socrate en présence de ses adversaires. Il semble évident au contraire que, s’il feint de s’arrêter devant une difficulté dont il signale l’importance, c’est parce qu’il croit en avoir déjà suggéré tout au moins la solution. Et son intention paraît claire : en invoquant, pour résoudre une question limitée et précise, l’aide des deux éristiques qui se sont jusqu’alors dérobés à son appel, Socrate veut leur ôter tout moyen de lui échapper encore. Or ce troisième débat n’aboutit pas plus que les précédents : le problème n’est même pas abordé par les sophistes. Dès lors la preuve est faite de leur impuissance totale. Socrate a maintenant le droit de conclure que l’éristique est une méthode vide, purement négative, et d’y opposer avantageusement la sienne[1]. Elles n’ont entre elles rien de commun, et le discrédit qui doit frapper la première, il serait contraire à la justice de le faire retomber sur la seconde. Si elles s’abritent l’une et l’autre sous le nom de φιλοσοφία, c’est à la faveur d’une équivoque, qui désormais ne saurait tromper personne. La φιλοσοφία est enseignée par Socrate : que Criton ne se laisse pas troubler par les contrefaçons qui lui sont offertes !

Le sens général de l’Euthydème est donc parfaitement net. Le problème posé au début, rappelé à la fin, est celui de l’éducation : c’est l’éducation de Clinias qui préoccupe les amis du jeune homme ; le thème proposé aux sophistes consiste à montrer comment il doit aimer la science et cultiver la vertu. C’est aussi l’éducation de ses fils qui cause les perplexités de Criton. Or deux méthodes sont en présence, qui s’attribuent également une valeur éducative. Mais l’une, comme le montre la discussion, est entièrement vaine ; l’autre prouve son efficacité, puisque la dialectique de Socrate réussit en peu de temps à dégager la valeur exceptionnelle de la σοφία et les conditions qu’elle doit remplir. Les étonnants progrès réalisés par Clinias attestent la fécondité de la méthode.

  1. En dépit de l’obstacle qu’il s’est donné l’air de ne pouvoir surmonter, son entretien avec Clinias a d’ailleurs dégagé des conclusions importantes et déblayé utilement le terrain, en montrant que la τέχνη βασιλική ne répond pas aux conditions requises.