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NOTICE

mettant l’adversaire à un interrogatoire continuel et un système de raisonnement rapide, réfute au fur et à mesure chacune de ses réponses, est une caricature de la dialectique de Socrate. Son défaut est d’ergoter sur le sens des mots en se gardant de les définir, et de se borner à la surface des choses, sans aucun souci de l’objet même de la discussion. Au lieu de n’être qu’un moyen, elle semble trouver sa fin en elle-même. Platon reproduit vraisemblablement ici les stériles habitudes en usage dans certaines écoles socratiques ; mêlant la dialectique des Éléates à celle de Socrate, elles offrent comme une image dégénérée du socratisme[1].


Antisthène.

Deux ou trois sophismes sur lesquels Platon insiste particulièrement étaient, on le sait, soutenus par Antisthène, dont la doctrine présentait de grandes analogies avec celle des Mégariques. Comme Protagoras, il niait la possibilité de contredire[2]. Selon lui il n’y avait pour chaque chose qu’une façon d’en parler ; si l’on tenait un autre langage, c’est qu’on parlait d’un autre objet : d’où résultait à la fois l’impossibilité de parler faux et de contredire[3] (cf. Euthyd., 286 a et suiv.). Il se peut aussi qu’un passage du dialogue (300 e-301 a) soit une allusion à la théorie des Formes. Pour riposter aux attaques d’Antisthène contre cette doctrine, Platon prêterait à Dionysodore un inepte sarcasme qui serait la caricature des objections d’Antisthène[4]. Mais il n’est pas absolument certain

  1. Cf. Th. Gomperz, Les penseurs de la Grèce, trad. Raymond, II, p. 567 ; H. Raeder, Platons philosophische Entwickelung, p. 69.
  2. Diogène de Laërte, IX, 53 : il avait écrit un traité Περὶ τοῦ μὴ εἶναι ἀντιλέγειν (id., III, 35).
  3. H. Raeder, o. l., p. 141-2, pense que suivant Protagoras (Diog. Laërte, IX, 41) il était possible de soutenir sur le même sujet deux thèses opposées, doctrine inconciliable avec la théorie d’Antisthène. Celle-ci aurait été faussement attribuée aussi à Protagoras par Diogène de Laërte. Et Platon, nommant Protagoras, mais songeant à Antisthène, les aurait ironiquement renvoyés dos à dos : s’il n’y a rien de faux, comme le dit Antisthène, il n’y a rien de vrai, comme l’affirme Protagoras. C’est la négation de tout enseignement, et celui des deux sophistes se détruit lui-même.
  4. Zeller, II, 1⁴, p. 296, A² ; Bonitz, o. l., p. 136.