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NOTICE

il observe que leur méthode se réduit à un jeu (παιδιά) : elle consiste à épiloguer sur le sens des mots, et n’apprend rien sur les choses (278 b). Après la seconde discussion, il va plus loin encore : la thèse de Dionysodore sur l’impossibilité de parler faux (ψεύδεσθαι) implique qu’il n’existe ni opinions fausses ni ignorance. Mais alors que viennent donc enseigner les deux sophistes (286 e-287 a) ? En ruinant l’adversaire, cette thèse se ruine elle-même (286 c) : conclusion reprise 288 a. Le jugement final (303 b-304 b) résume et complète ces critiques, pour formuler une condamnation accablante. À quoi se ramène l’éristique des deux sophistes ? À une méthode de réfutation parfaitement stérile, puisque, s’attaquant au vrai comme au faux (272 a), elle se détruit en abattant l’adversaire. Elle n’a même pas le mérite de la difficulté : le premier venu est en peu de temps capable de la pratiquer, comme l’a prouvé Ctésippe. Elle est d’ailleurs inutilisable hors du cercle restreint que les sophistes forment avec leurs disciples : tout autre qu’eux rougirait de se complaire à de pareilles arguties.


Les adversaires visés par Platon.

L’éristique condamnée ici a pour représentants Euthydème et Dionysodore. Il n’y a pas lieu, semble-t-il, de mettre en doute la réalité historique du personnage d’Euthydème : il est nommé dans le Cratyle (386 d), à propos d’une thèse que Platon lui attribue. Dans l’écrit d’Aristote Περὶ σοφιστικῶν ἐλέγχων, on retrouve quelques-uns des sophismes prêtés par Platon aux deux éristiques ; or Euthydème y est nommé (177 b 12) ; il est mentionné encore par Aristote dans sa Rhétorique (II, 1401 a 27). L’existence de son frère n’est attestée, en dehors de l’Euthydème, que dans les Mémorables : Xénophon conte que Dionysodore, étant venu à Athènes, faisait profession d’enseigner la stratégie (III, 1, 1-11). Il s’accorde sur ce point avec Platon, mais ne dit rien de Dionysodore maître d’éristique. Il est possible que l’indication n’ait pour source que l’Euthydème ; mais l’absence d’autres témoignages ne nous autorise pas à considérer comme une fiction le personnage de Dionysodore, ni à chercher sous son nom[1] un contemporain que Platon n’aurait pas voulu

  1. Suivant Teichmüller, Literarische Fehden, I, p. 27 sq., Diony-