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EUTHYDÈME

moment où les deux sophistes rentrent en scène, l’attente de l’auditeur se trouve donc redoublée. Que vont-ils dire ? Pourront-ils se dérober encore ? Quel tour va prendre le débat ? Le premier entretien avec Clinias n’avait été qu’une escarmouche ; le second se développe avec ampleur : au lieu de Clinias, c’est Socrate lui-même qui y prend part avec Ctésippe. Il est aussi plus dramatique : Ctésippe n’observe pas l’attitude passive de Clinias : il s’emporte, dispute, proteste ; à deux reprises, Socrate doit l’inviter au calme ; Dionysodore lui-même se plaint d’être injurié ; il reproche à Socrate de sortir du sujet et de radoter. Mais quand ce troisième acte prend fin, on s’aperçoit que la question n’a pas encore été traitée par les sophistes : le résultat est encore négatif. Faut-il donc renoncer à l’exposition promise ? De nouveau, Socrate nous rassure : Euthydème et Dionysodore n’ont pas encore voulu parler sérieusement ; pour les y décider, il va reprendre sa recherche avec Clinias. Or, l’enquête aboutit à une impasse. Socrate, dans son embarras, invoque le secours des sophistes : la question qu’il n’a pu résoudre, il leur demande de l’éclaircir. L’examen poursuivi a déblayé le terrain et nettement dégagé le problème, qui se pose désormais sous cette forme : quelle est la science qui, satisfaisant aux conditions reconnues nécessaires, doit assurer aux hommes le bonheur ? On voit comment l’attente de l’auditoire est ranimée. Mis au pied du mur, les sophistes vont-ils une troisième fois s’esquiver ? La discussion recommence, et prend un développement qu’elle n’avait pas atteint encore. Socrate y joue un rôle de plus en plus important. Ctésippe et lui ne se contentent plus de présenter des objections : pour confondre l’adversaire, ils lui empruntent ironiquement ses procédés. C’est qu’ils ont renoncé à rien tirer d’eux. La discussion s’achève encore sans résultat positif ; mais désormais la cause est entendue, et il ne reste plus à Socrate qu’à dégager la conclusion de tout le débat.

Le récit de Socrate s’encadre, on l’a vu, dans une conversation avec Criton. Mais Criton l’interrompt à la fin du quatrième épisode : un dialogue s’engage entre lui et Socrate. Cet intermède, dont la valeur dramatique est évidente, met en lumière l’art de la composition. Il unit plus intimement le récit avec le dialogue qui l’entoure, et il établit une sorte d’équilibre entre le début et la fin de l’ouvrage. En outre,