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EUTHYDÈME

leurs propres productions (289 d). Bien plus, il n’hésite pas à se prononcer contre le Maître. À Socrate exprimant l’opinion que l’art du général est capable plus que tout autre d’assurer le bonheur, il oppose, avec une singulière assurance, une démonstration devant laquelle Socrate éprouve une surprise mêlée d’admiration, et qui arrache à Criton un cri d’émerveillement. Se peut-il qu’un si jeune homme ait tenu de pareils propos ? Il faut admettre en ce cas que la méthode socratique, employée comme moyen d’éducation, réalise des miracles. Mais Criton reste incrédule, et il laisse entendre que l’être « supérieur » par qui a été tenu ce langage n’est autre que Socrate lui-même (291 a).


Ctésippe.

Moins séduisant que Clinias, Ctésippe fait avec lui un contraste marqué. On le retrouve dans le Lysis, où il est donné comme originaire du dème de Paeania (203 a ; cf. Euthyd., 273 a) et cousin de Ménexène (206 d). Mais il joue dans le Lysis un rôle beaucoup plus effacé que dans l’Euthydème. Il est nommé ici νεανίσκος (273 a), et il faut se le représenter, lui aussi, comme un très jeune homme, toutefois un peu plus âgé probablement que Clinias. L’auteur fait son portrait en deux mots : « une excellente nature, malgré une violence emportée qui est un effet de la jeunesse » (273 a). Amant de Clinias, il tranche sur ses autres adorateurs par la fougue du sentiment. Au début de l’entretien, il s’est trouvé éloigné de Clinias, dont la vue lui est masquée par Euthydème. Il change de place pour s’asseoir en face du groupe qui entoure le bien-aimé (274 c). Quand Dionysodore déclare que vouloir transformer Clinias d’ignorant en savant revient à désirer sa mort, Ctésippe éclate avec indignation contre un pareil sacrilège (283 e). Le désir de briller aux yeux de Clinias surexcite son esprit au cours de la discussion, et, lorsqu’il réussit à prendre Dionysodore au piège de sa dialectique, tout fier d’avoir remporté un pareil succès devant son bien-aimé, il en paraît « dix fois plus grand » (300 d).

Mais Ctésippe ne songe pas seulement à ses intérêts amoureux ; il aime la discussion pour elle-même (φιλήκοος, 274 c), il s’y jette avec ardeur, et y déploie l’insolence batailleuse qui le caractérise. Il n’intervient pas dans le premier entretien des sophistes avec Clinias, mais plus loin le sophisme de