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MÉNEXÈNE

autres de se rassurer sur eux-mêmes, certains que les particuliers s’uniront à l’État pour prendre soin de votre vieillesse, et que notre sollicitude se manifestera partout où chacun de nous rencontrera quelque parent des morts. Quant à la cité, vous-mêmes vous connaissez sans doute sa sollicitude : après avoir établi des lois pour les enfants[1] et les parents des morts tombés à la guerre, elle veille sur eux, et, plus que les autres citoyens, 249 elle a chargé la magistrature la plus haute[2] de protéger contre l’injustice les pères et les mères de ces morts ; pour les enfants, elle-même contribue à leur éducation ; désireuse de leur dissimuler autant que possible leur condition d’orphelins, elle-même prend auprès d’eux le rôle du père quand ils sont encore enfants, et, lorsqu’ils deviennent des hommes faits, elle les envoie en possession de leurs biens, après les avoir parés d’une armure complète ; elle leur montre et leur rappelle la conduite de leur père, en leur donnant les instruments b de la vaillance paternelle, et leur permet en même temps, à titre d’heureux présage, d’aller pour la première fois au foyer paternel pour y exercer l’autorité jointe à la force, avec les armes dont ils sont revêtus[3]. Aux morts eux-mêmes elle ne cesse jamais de rendre hommage : chaque année, c’est elle qui organise pour tous en public les cérémonies qu’il est d’usage de célébrer pour chacun en particulier ; elle y ajoute des jeux gymniques et hippiques, des concours musicaux de toute nature. Bref, à l’égard des morts, elle prend le rôle de l’héritier et du fils ; envers les c fils, celui du père ; envers les parents, celui du tuteur, sans cesser, dans tout le cours du temps, de prodiguer à tous toutes les formes de sollicitude. Ces pensées doivent vous faire supporter votre malheur avec plus de calme ; c’est ainsi que vous pourrez le mieux être

  1. Périclès (Thuc., II, 46) rappelle aussi la loi athénienne d’après laquelle les enfants des soldats morts étaient élevés aux frais de l’État. On la faisait remonter à Solon.
  2. Pris à la lettre, ce mot viserait l’archonte proprement dit, qui donnait son nom à l’année. En fait, c’est le polémarque qui était chargé de veiller à l’entretien et à l’éducation des orphelins de guerre.
  3. Eschine évoque cette cérémonie dans le Contre Ctésiphon, 154. Aux grandes Dionysies, avant le concours tragique, les fils des citoyens morts à l’ennemi étaient présentés au peuple, dans le théâtre, revêtus d’une armure d’hoplite. Le héraut proclamait que, leurs pères étant morts à la guerre en gens de cœur, le peuple avait