Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome V, 1.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
NOTICE

proprement dites ce propos de Nicératos, dans le Banquet de Xénophon : « Je les entends presque tous les jours[1]. »

Le débit des rhapsodes n’était pas accompagné de lyre. Les mots dont se servent les anciens pour le désigner (ἀπαγγέλλειν λέγειν) montrent, d’autre part, qu’il n’avait rien d’un chant. Le rhapsode récitait, ou déclamait ; le terme de ῥαψῳδία, comme celui de ᾄδειν, très souvent employé pour les poèmes épiques, ne doit pas faire illusion[2]. Mais son art se rapprochait par la mimique de celui des acteurs[3]. Platon nomme souvent côte à côte ῥαψῳδοί et ὑποκριταί[4]. Les rhapsodes apparaissaient sur une tribune (ou scène, βῆμα, 535 e), vêtus de costumes somptueux aux couleurs vives[5], une couronne d’or en tête (535 d). Et leur jeu expressif, par lequel ils croyaient s’identifier aux héros dont ils contaient les aventures, faisait oublier au public qu’ils travaillaient pour un salaire (535 e). Transportés dans un monde merveilleux, les auditeurs étaient agités des mêmes émotions, diverses et profondes, qu’en écoutant les auteurs dramatiques (535 e).


Ion commentateur d’Homère.

Mais l’Ion ne touche qu’accessoirement (535 b-e) à ce qui est la fonction essentielle du rhapsode : la récitation des poèmes homériques. Ion se flatte aussi de commenter Homère, et de s’en acquitter avec plus d’abondance et d’éclat que personne. Cette tâche d’exégète lui semble faire partie de son art ; il avoue que c’est elle qui lui a coûté le plus de peine (535 c-d). Et c’est sur elle que s’engage la discussion dont est fait le dialogue.

Ion ne s’explique pas sur les occasions qui s’offrent à lui de dire tant de belles choses sur Homère. Ces commentaires accompagnent-ils ses récitations ? Est-ce dans les fêtes, dans les concours de rhapsodes qu’il les développe ? On songerait plutôt à des sortes d’ἐπιδείξεις, analogues à celles que don-

  1. 3, 6.
  2. Voir Nitzsch, o. l., p. 6. Dans Ion (536 b) l’expression φθέγξηται μέλος, bizarre à première vue, s’explique par la comparaison que Socrate a dans l’esprit, et qu’il développe ensuite, avec les κορυβαντιῶντες.
  3. Eustathe, o. l., ὑπεκρίνοντο δραματικώτερον.
  4. Ion, 532 d, etc. Cf. Aristote, Poétique, 26, 1462 a.
  5. Ion, 537 d. De couleur pourpre, quand ils récitaient l’Odyssée ; rouge, quand ils récitaient l’Iliade, d’après Eustathe.