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MÉNEXÈNE

précisément, si l’on voulait élever contre notre cité un grief légitime[1], on ne pourrait avec raison lui faire qu’un reproche, celui d’être en toute circonstance trop pitoyable et de se mettre au service du faible. C’est ainsi qu’en ce temps-là, elle ne put tenir bon ni garder jusqu’au bout sa résolution de ne secourir contre l’asservissement aucun de ceux qui lui avaient fait tort ; elle se laissa fléchir 245 et leur vint en aide. En personne, elle secourut les Grecs, et les arracha à la servitude, leur assurant une liberté qu’ils conservèrent jusqu’au jour où ils recommencèrent à s’asservir eux-mêmes. Quant au Grand Roi, elle n’osa le défendre elle-même, par respect pour les trophées de Marathon, de Salamine et de Platées ; mais, en permettant seulement aux bannis et aux volontaires d’aller à son secours, elle le sauva, de l’aveu unanime[2]. Après s’être construit des murs et une flotte, elle b accepta la guerre, quand elle y fut contrainte, et combattit les Lacédémoniens pour la défense de Paros[3].

Mais le Grand Roi eut peur de notre cité, quand il vit les Lacédémoniens renoncer à la guerre maritime. Désireux de faire défection, il réclamait les Grecs du continent[4] que lui avait précédemment livrés Lacédémone[5], comme condition de son alliance avec nous et les autres alliés, s’attendant à un refus qui servirait de prétexte c à sa défection. Les autres alliés le déçurent : Corinthiens, Argiens, Béotiens et le reste des alliés consentirent à cet abandon ; ils convinrent et jurèrent, s’il était prêt à leur donner de l’argent, de livrer les Grecs du continent ; seuls, nous n’osâmes ni les livrer ni prêter serment. Voilà comme la générosité et l’indépendance de notre ville

  1. L’orateur paraît sentir la faiblesse de sa thèse ; il essaie de justifier pour Athènes ce rapprochement avec la Perse dont il faisait plus haut un grief à Sparte.
  2. Sur l’exactitude historique de tout cet exposé, voir la Notice, p. 62.
  3. La leçon des mss., Παρίων, a paru suspecte à nombre de critiques, et les corrections les plus diverses ont été proposées. Il semble pourtant que le texte puisse être conservé. L’orateur paraît faire allusion aux efforts de Conon (en 394/393) pour chasser des Cyclades les harmostes lacédémoniens (Xénophon, Helléniques, IV, 8). C’est vers cette époque que Pasinos s’empara de Paros (Isocrate, Éginét., 18).
  4. D’Asie Mineure.
  5. Par l’accord de 412 (Thucydide, VIII, 18).