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MÉNEXÈNE

Elle est expressément confirmée par le témoignage d’Aristote[1].


Qui vise le Ménexène ?

Reste à savoir si le Ménexène est dirigé contre un orateur déterminé. Pourquoi le discours est-il présenté comme l’œuvre d’Aspasie (236 a sq.) ? La fiction ne peut tromper personne, et le jeune Ménexène donne à entendre qu’il n’en est pas dupe[2]. Cette affirmation fantaisiste se rapporte peut-être à quelque invention bouffonne de l’ancienne comédie, qui n’avait point épargné Aspasie, et attribuait à ses leçons l’éloquence de Périclès[3]. Platon a pu y prendre l’idée plaisante de mettre sous le nom de cette courtisane célèbre son propre discours, composé, dit-il, avec des rognures de l’oraison funèbre de Périclès (236 b). D’autre part, Socrate prétend avoir lui-même Aspasie pour maître d’éloquence (235 e, 236 ab). C’est d’elle qu’il a recueilli ce discours, et il a failli recevoir des coups parce qu’il manquait de mémoire. Il va sans dire que c’est encore là une plaisanterie. Socrate fréquentait chez Aspasie[4], dont il est possible que la comédie, par une autre imagination saugrenue, ait fait de lui le disciple[5]. L’hypothèse prendrait de la vraisemblance, si Connos, que Socrate désigne comme son maître de cithare, devait être identifié avec le musicien Connas, tourné en dérision par les comiques[6].

  1. Rhét., I 1367 b (allusion à Ménex., 235 d) ; III, 1415 b (id.). Comme l’observe Gomperz, o. l., p. 465, Aristote met toujours sous le nom de Socrate les citations qu’il fait de Platon. Supposer qu’il a ici en vue un propos oral de Socrate, et non le Ménexène, est une hypothèse arbitraire et insoutenable.
  2. 249 e ὅστις σοι ὁ εἰπών ἐστιν αὐτόν, et plus haut 249 d.
  3. Plutarque, Périclès, 24, la qualifie de σοφὴ καὶ πολιτική, et explique ainsi l’ascendant qu’elle exerçait sur Périclès. Une scholie du Ménexène conte sérieusement qu’après avoir formé Périclès à l’éloquence, elle fit de Lysiclès, le marchand de bétail, un habile orateur, comme le rapporte Eschine le socratique.
  4. Plutarque, Périclès, 24 ; Athénée, XIII, 589.
  5. Athénée, V, 219 : « Aspasie enseigna savamment l’éloquence à Socrate ». Cf. Höltermann, o. l., p. 98.
  6. Voir Aristophane, Cav., 584. Wilamowitz, o. l., p. 139, admet sans hésiter cette identification, assurément tentante. Trendelenburg, o. l., objecte que Connas, d’après le scholiaste d’Aristophane, était un