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NOTICE

est en effet principe de vie à l’égard d’une chose qui, au contraire, est par elle-même sans âme ou inanimée, c’est-à-dire un corps. Mais dans la totalité de l’univers physique[1] cette relation n’est pas la même partout où porte la vie l’âme qui y circule. On est ainsi conduit à distinguer deux formes ou espèces d’âme : celle qui est ailée en perfection et qui se meut dans les régions supérieures de l’univers, du haut desquelles elle est pour l’ensemble de celui-ci le principe d’une vie organisée ; celle qui, pour les raisons qu’on verra bientôt, a cessé d’être ailée et qui ainsi tombe jusqu’à ce qu’elle se soit arrêtée dans cette masse, solidement assemblée (cf. Timée 43 a), qu’est un corps fait principalement de terre. Or c’est à un tel composé d’une âme et d’un corps que nous donnons le nom de « vivant » en y ajoutant l’épithète de « mortel »[2].

    opposition, ne me paraît pas pouvoir comporter d’autre texte ni d’autre interprétation.

  1. Platon dit « la totalité du ciel », mais cette traduction, pouvant suggérer l’idée du ciel astronomique, m’a semblé équivoque. Il ne paraît pas douteux en effet qu’ici, au lieu de prendre le mot en son sens restreint, Platon ait voulu parler de tout ce qui existe sous la coupole du ciel, et tel est en effet le sens du grec ouranos. C’est ainsi que, après des fluctuations dont témoignerait le vocabulaire auquel s’étaient finalement arrêtés les Pythagoriciens (cf. Vorsokr. ch. 32, A 16 ; Robin, Pensée grecque p. 76 sq.), ouranos en est venu à recevoir pour équivalent le terme cosmos, que justement Platon emploie trois lignes plus bas et que nous traduisons par le Monde. Mais au temps de Platon l’équivalence n’est pas encore assez usuelle pour que l’écrivain puisse se dispenser de la signaler. Ainsi dans le Timée il se sert d’ouranos (31 ab) pour signifier, sans nul doute, le monde entier, alors qu’il a écrit précédemment (28 b) : « la totalité de l’ouranos ou bien du cosmos ou quelque autre nom qu’on veuille lui donner » ; de même Politique 269 d. Dans le Philèbe 28 d on voit que le tout, τό ὅλον, paraît être un autre de ces noms dont on tendait à se servir pour signifier « l’ensemble des choses » τὰ σύμπαντα, et 29 e que le mot cosmos est dans le même cas. Du reste chez Aristote ouranos a une semblable diversité d’acceptions : comme ici il signifie souvent l’ensemble des choses (cf. Bonitz Index Ar. 541 a 56 sqq.). Voir Burnet, Aurore de la philosophie grecque (Early Gr. Philos.), p. 31.
  2. La dissolution de ce composé est la mort, mais l’âme est immortelle : elle renaîtra donc, c’est-à-dire qu’elle formera avec un autre corps un nouveau composé. C’est ce que l’Orphisme appelle « le cercle de la génération » : s’il n’existait pas en tant que cercle mais que la génération se fît en ligne droite, alors ce serait la fin du monde (cf.