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PHÈDRE

beauté, en lui seul elle a trouvé un médecin des peines les plus grandes[1]. Eh bien ! b cet état-là, mon beau gars, toi à qui je m’adresse, les hommes, il est vrai, le nomment amour, mais si je te dis comment l’appellent les dieux, ta jeunesse sans doute ne fera qu’en rire ! On cite (certains Homérides, je crois bien, qui les tirent de leurs réserves) deux vers en l’honneur d’Amour, dont le second en prend tout à fait à son aise et n’est pas d’une prosodie très régulière. Or voici ce qu’ils chantent : Amour-qui-vole est, à vrai dire, son nom pour les mortels ; — mais, pour les immortels, c’est l’Emplumé, à cause de son pouvoir c de faire pousser des plumes. Permis, bien entendu, de croire à cela, permis aussi le contraire[2] ! Toujours est-il que, pour ce qui concerne la cause et l’effet, c’est précisément ce qui en est dans le cas des amants.

Chaque âme imite le dieu dont elle a suivi le cortège.

« Poursuivons : celui qui s’est fait prendre, s’il est de ceux qui ont fait cortège à Zeus, est capable de porter, avec une plus solide assiette, le fardeau du dieu qui tire son nom de son emplumage. Quant à ceux qui furent les servants d’Arès et ont accompagné sa révolution, quand Amour s’empare d’eux et qu’ils pensent avoir été injustement traités par leur bien-aimé, ils sont portés au meurtre et prêts à se sacrifier eux-mêmes en même temps que leurs mignons. d Et de même, en rapport avec chacun des Dieux dont chacun fut le choreute, c’est à honorer ce dieu-là, à l’imiter le plus complètement possible, que se passe la vie : tant qu’il n’y a pas eu contamination et que l’existence vécue est celle de la première génération ici-bas, c’est encore selon cette manière d’être qu’on se comporte dans les relations avec les bien-aimés comme à l’égard des hommes en général. Ainsi donc, pour ce qui est de

    (Diotime) et 192 de (Aristophane). Bien entendu, tout ceci répond au discours de Lysias et au premier de Socrate, passim.

  1. C’est ce que dit Aristophane, Banquet 189 d ; cf. 193 a.
  2. Tout le passage est visiblement une moquerie, d’abord de l’antique usage d’affecter à une même chose deux noms, l’un, sacré et l’autre, profane (il y en a des exemples dans Homère) ; ensuite de ces trésors de variantes qu’avaient constitués les exégètes d’Homère. Le second vers pèche par démesure, au figuré comme au propre.