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même temps que faite des meilleurs éléments, aussi bien pour celui qui en est le sujet que pour celui qui y est associé ; et, en outre, que la présence de ce délire chez qui aime les beaux garçons fait dire de lui qu’il est fou d’amour ! Toute âme d’homme en effet a par nature, ainsi que je l’ai dit, contemplé les réalités : autrement, elle ne serait pas venue dans le vivant dont je parle. 250 Mais trouver dans les choses de ce monde-ci le moyen de se ressouvenir de celles-là n’est pas aisé pour toute âme, ni pour toutes celles qui alors n’ont eu qu’une brève vision des choses de là-bas, ni pour celles qui, une fois tombées en ce lieu-ci, ont été assez malchanceuses pour se laisser tourner à l’injustice par on ne sait quelles fréquentations et pour y trouver l’oubli des augustes objets dont en ce temps-là elles ont eu la vision ; il n’en reste donc qu’un petit nombre auxquelles appartienne en suffisance le don du souvenir. Mais, quand il arrive à celles-ci d’apercevoir une imitation des choses de là-bas, elles sont hors d’elles-mêmes et ne se possèdent plus ! Quant à la nature de ce qu’elles éprouvent, elles ne s’en rendent pas compte, faute de pouvoir s’analyser comme il faut.

Le privilège de la Beauté.

« b Ce qu’il y a de sûr, c’est que Justice, Sagesse, tout ce qu’il y a de précieux encore pour des âmes, ne possèdent aucune luminosité dans les images de ce monde-ci : à grand peine, au contraire, de troubles instruments permettent-ils, et même à un petit nombre de gens, de recourir aux représentations de ces objets pour contempler en elles les traits de famille que ces représentations ont gardés. La Beauté, elle, était resplendissante à voir, en ce temps où, unis à un chœur fortuné, ces gens-là avaient en spectacle la béatifique vision, nous à la suite de Zeus et dans son cortège, d’autres dans celui d’un autre dieu ; ce temps où cela était sous leurs yeux ; où ils s’initiaient à celle des initiations dont il y a justice à dire qu’elle atteint la suprême béatitude ; c mystère que nous célébrions dans l’intégrité de notre vraie nature et exempts de tous les maux qui nous attendaient dans le cours ultérieur du temps ; intégrité, simplicité, immobilité, félicité appartenant à leur tour aux apparitions que l’initiation a fini par dévoiler à nos regards au sein d’une pure et écla-