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sa notion est cette notion même. Tout corps en effet qui reçoit du dehors son mouvement est un corps inanimé ; est au contraire un corps animé, celui pour qui c’est du dedans et qui en tient de lui-même le principe, attendu que c’est en cela que consiste la nature de l’âme. Mais, si c’est bien ainsi qu’il en est, si ce qui se meut soi-même n’est pas autre chose que 246 l’âme, alors nécessairement l’âme devra être à la fois inengendrée[1] et immortelle.

Sa nature : le mythe de l’attelage ailé.

« Aussi bien, voilà qui suffit sur la question de son immortalité. Quant à ce qui est de sa nature, voici ce qu’il en faut dire : la caractériser, c’est l’affaire d’une exposition entièrement, absolument divine et fort étendue ; mais en donner une image, l’affaire d’un exposé humain et de moindres proportions ; en conséquence, c’est ainsi que nous devons parler. Cette image donc est[2] celle de je ne sais quelle force active naturelle, qui unit un attelage et un cocher, soutenus par des ailes. Cela étant, les Dieux ont des chevaux, des cochers qui, tous, sont eux-mêmes bons, composés de bons éléments, tandis que, pour le reste des êtres, b il y a du mélange. Pour nous, c’est, premièrement, d’un attelage apparié que le conducteur est cocher ; ensuite, des deux chevaux, l’attelage en a un qui est beau, bon et formé de tels éléments, tandis que la composition de l’autre est contraire, et contraire sa nature. Il s’ensuit que, dans notre cas, c’est nécessairement un métier difficile et ingrat que celui de cocher ! D’où vient donc, ceci posé, que mortel aussi bien qu’immortel soient des dénominations du vivant ? Voilà ce qu’on doit tâcher

  1. Ou bien il faut admettre que ceci est en contradiction avec l’histoire, dans le Timée, de la fabrication de l’âme-mère par le Démiurge, ou bien y voir la confirmation de la thèse que ce serait le symbole mythique d’une analyse de sa nature : c’est le plus probable. Bien entendu, l’ingénérabilité est plus que la préexistence, dans le Phédon, de nos âmes par rapport au corps.
  2. Décrire réellement l’âme serait long et suppose un savoir qui dépasse l’homme ; en donner une image sera vite fait et est à notre portée ; procédons par conséquent ainsi ; voici donc cette image. Un autre texte, généralement suivi, garde ici l’impératif : que cette image soit… Mais cette leçon est, je crois, moins autorisée et la répétition de l’impératif me paraît peu naturelle.