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comme une belle chose, toutes les fois qu’il provient d’une dispensation divine, c’est pour cela qu’ils instituaient cette dénomination. Les modernes qui, au contraire, n’ont pas le sens du beau, y ont introduit le t et l’ont appelé mantikê, l’art divinatoire. La preuve en est aussi que c’est justement l’art des gens qui se possèdent, s’employant à la recherche de l’avenir par le moyen des oiseaux et des autres signes ; un art qui en effet, à l’aide de la réflexion, procure à l’opinion des hommes, oïêsis, rationalité et information, noûs et historia. C’est pour cela que cet art fut par ces Anciens dénommé oïo-no-histikê. d Aujourd’hui les modernes l’appellent oïônistikê, l’art des oiseaux, l’art de l’augure, avec un o long, pour en rendre le nom imposant ! Autant donc, cela va de soi, sont supérieurs en perfection et en dignité, et l’art du devin par rapport à celui de l’augure, et le nom comme la fonction de l’un par rapport au nom comme à la fonction de l’autre, autant le délire est par sa beauté, les Anciens en témoignent[1], supérieur à la sagesse, le délire qui vient du dieu, à la sagesse dont les hommes sont les auteurs !

« Ce n’est pas tout : ces maladies même, ces épreuves, entre toutes rigoureuses, qui en conséquence d’antiques ressentiments, existent, venant on ne sait d’où, dans certains individus d’une race, — le délire prophétique, en se produisant chez ceux qui y étaient destinés, a trouvé le moyen de e les éloigner, et cela par un recours à des prières aux dieux, à des services en leur honneur ; grâce à quoi, ayant abouti à des rites purificateurs et d’initiation, il a mis à l’abri celui qui y participe, par rapport au présent comme par rapport au temps qui suivra, en faisant trouver à l’homme, en qui sont ce qu’il faut délire et possession, un moyen de s’affranchir des maux présents[2].

« 245 Il y a encore un troisième genre de possession et de délire, celui dont les Muses sont le principe : si l’âme qui en est saisie est une âme délicate et immaculée, elle en reçoit l’éveil, il la plonge dans des transports qui s’ex-

  1. Ce morceau suppose la doctrine du Cratyle : institution du langage par des législateurs philosophes, qui combinaient les sons de façon à traduire des idées plus ou moins complexes.
  2. Passage controversé : il s’agit sans doute de races maudites, payant la rançon de quelque faute ancestrale, et dont pourtant certains membres inspirés brisent cette solidarité dans la sanction.