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PHÈDRE

visiblement e tu me feras circuler à travers l’Attique entière, et ailleurs encore, où ce serait ton bon plaisir ! Quoi qu’il en soit, puisque me voici pour l’instant parvenu jusqu’ici, je trouve bon, pour ma part, de m’étendre tout de mon long ! À toi de prendre la position que tu jugeras la plus commode pour pouvoir lire, et, quand tu l’auras trouvée, fais ta lecture.

Phèdre. — J’y suis ! écoute.


Première partie. —
I : le discours de Lysias.

« Quel est mon cas, tu en es instruit ; et mon opinion sur l’intérêt que nous avons à la réalisation de ceci[1], tu l’as entendue. Or, je ne crois pas que ma requête doive 231 valablement échouer pour ce motif que, justement, je ne suis point ton amoureux. La preuve en est que les gens dont je parle, le jour où leur désir aura pris fin, en viennent à regretter le bien qu’ils ont pu faire, tandis que pour les autres il n’y a pas de saison où les repentirs soient à propos. Ce n’est pas en effet sous la pression d’une nécessité, mais librement, en s’appliquant à consulter au mieux leur situation personnelle, que ces derniers mesurent à ce qu’elle leur permet le bien qu’ils font. Autre chose[2] : ceux qui aiment considèrent, et celles de leurs propres affaires qu’ils ont mal réglées du fait de leur amour, et tout le bien qu’ils ont fait ; y ajoutant enfin b ce qu’ils se sont donné de peine, ils estiment avoir depuis longtemps déjà acquitté à son prix leur gratitude à l’égard de leurs aimés. Ceux qui n’aiment pas n’ont lieu, au contraire, ni d’alléguer cette mauvaise raison pour avoir négligé leurs affaires personnelles, ni pour mettre en compte toute leur peine passée, ni pour incriminer les dissentiments avec la famille. D’où il suit que, une fois tous ces inconvénients écartés d’autour d’eux, il ne reste plus qu’à s’empresser de leur accorder l’acte dont on pense qu’il leur fera plaisir. Autre chose : admettons qu’il faille faire grand cas c

  1. C.-à-d. la réalisation de la fin poursuivie ; ailleurs l’acte ou l’affaire. Mais le mobile n’en sera pas la passion amoureuse : à l’origine il doit y avoir un calcul réfléchi, où le poursuivant mettra en balance les intérêts, matériels ou moraux, aussi bien de celui qui est l’objet de la poursuite, que les siens propres.
  2. C’est une façon purement verbale de lier les parties du déve-