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NOTICE

même, semble-t-il, que « philosophie » soit le vrai nom de la rhétorique. — Puisque ce titre était disputé par deux méthodes rivales de culture, ce qui nous intéresse particulièrement c’est de savoir sur quelles raisons Isocrate appuyait sa revendication. La connaissance absolue de ce qu’il faut dire ou faire est, disait-il en substance, impossible à la nature humaine. Aussi la sagesse (σοφία) consiste-t-elle pratiquement dans le bon sens (φρόνησις), une certaine rectitude de jugement qui, dans la plupart des cas (ὡς ἐπὶ τό πολύ), permet de trouver l’opinion qui vaut le mieux. Cette justesse d’esprit, quoiqu’elle soit le plus souvent un don naturel, peut être néanmoins acquise, doit en tout cas être cultivée : ce qui se fait, avec toute la rapidité possible, au moyen de certaines études et pratiques, auxquelles le nom de « philosophie » sera légitimement réservé ; culture de l’âme analogue à ce qu’est la culture du corps par le moyen de la gymnastique (Antid. 270 sq., 181). Ainsi, au lieu d’être un effort, qui n’est jamais entièrement contenté, vers un savoir toujours supérieur au plan humain, la philosophie serait une méthode toute pratique pour s’élever à ce qu’il y a, dans ce plan même, de meilleur par rapport aux croyances communément reçues. Quant à la philosophie des soi-disant philosophes, Isocrate l’englobe tout entière, comme fait Platon pour la rhétorique des rhéteurs, dans le même mépris et la même hostilité. Sans doute, au début de l’Éloge d’Hélène, fait-il des distinctions. Mais, si elles sont obscures pour nous, on peut se demander si elles avaient dans sa propre pensée quelque précision. Disputes logiques, recherches sur la nature des choses, étude de la géométrie et de l’astronomie, enseignement scientifique de la vertu et de la politique, prétention d’atteindre la vérité, tout cela est mis pêle-mêle. S’il est certain qu’Antisthène et les Cyniques sont visés, s’il est très probable que les éristiques de Mégare le sont également, il n’est guère douteux d’autre part que Platon, surtout après la fondation de l’Académie, ait été pour Isocrate un concurrent plus redoutable qu’aucun des philosophes et qu’aucun autre parmi les maîtres de rhétorique. Quand donc Isocrate parle de disputeurs ou d’ « éristiques » qui se targuent de chercher la vérité et puis, tout aussitôt, se mettent à débiter des mensonges ; quand il parle de dialogues éristiques qui ne sont bons qu’à amuser une jeunesse inexpérimentée, de