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PHÈDRE

Platon par des nécessités internes et qui dérivent de la nature même de ce dont il parle.

La raison d’être du mythe.

Elles ont leur principe générateur dans cette idée qu’il existe deux mondes : l’un, celui d’ici-bas, le monde de notre expérience ou de notre pratique, monde d’illusions et de fantômes ; l’autre au-dessus de nous et dont les réalités sont vraies, c’est-à-dire purement intelligibles et logiques tout en étant réelles. Pour qu’il puisse y avoir de la vérité dans notre connaissance ou dans notre conduite, il faut donc que nous ayons accès de quelque façon à ce monde supérieur. Mais, pour que cela soit possible, il faut aussi que, de quelque façon, notre âme ait participé à l’existence vraie et que dans son existence ici-bas elle soit capable d’y participer à nouveau, soit au cours de celle-ci par un réveil méthodique de ses souvenirs, soit après la mort en récompense de son zèle à s’affranchir ainsi des liens qui l’emprisonnaient. D’autre part les hauteurs du Vrai ne sont pas les seules : il y en a d’autres qui sont plus près de nous et qui nous sont moins étrangères, dont les réalités sont visibles et font partie de notre expérience, qui s’en distinguent cependant parce qu’elles n’en ont ni le désordre ni l’irrégularité. Ce sont les hauteurs du ciel, peuplées d’êtres de lumière et de flamme, dont les révolutions s’accomplissent avec une régularité et suivant un ordre qui ne varient jamais, attestant ainsi la sagesse et la divinité de ces êtres. Il faut donc que l’âme n’appartienne pas au monde des réalités vraies : comment pourrait-elle l’avoir quitté pour un monde d’illusion ? avoir perdu l’éternité du Vrai pour être entraînée dans le tourbillon des générations et des morts ? C’est donc, corrélativement, que le ciel doit être sa patrie d’origine. Mais, puisque le ciel est la patrie imprescriptible d’êtres indéfectiblement divins, il faut aussi qu’il y ait pour l’âme des raisons spéciales d’en avoir été un jour exilée et pareillement des conditions qui un jour la rendront digne, ou bien d’y rentrer avec honneur, ou bien d’être admise par indulgence à y recommencer une épreuve à laquelle auparavant elle n’avait point satisfait.

Tels sont les postulats qui sont à l’arrière-plan de la pensée de Platon. Même en les formulant dans un langage aussi abstrait que possible, nous ne parvenons pas à les dépouiller de leur vêtement d’images sensibles. Voici dans