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LE BANQUET

“Voyez, poursuivit-il : b d’être tout ce qu’il y a de plus ancien comme divinité, c’est un honneur ; et de cette ancienneté nous avons un indice, c’est qu’il n’y a pas de généalogie de l’Amour, que ses parents ne sont mentionnés dans aucun écrit, ni en langue vulgaire, ni de poésie. Voyez plutôt : Hésiode dit que ce qui en premier a existé, c’est le Chaos, puis ensuite | la Terre à l’ample poitrine, fondement de toutes choses à jamais assuré, | et l’Amour… Ainsi, selon lui, ce qui a succédé au Chaos, ce sont ces deux là : la Terre avec l’Amour[1]. Quant à Parménide, voici ce qu’il dit de la génération[2] : Le premier de tous les dieux, dont s’avisala Déesse, ce fut l’Amourc Enfin, entre Acousilaos et Hésiode il y a concordance. On voit ainsi que de plusieurs côtés on s’accorde à dire que l’Amour est tout ce qu’il y a de plus ancien.

“D’autre part, en même temps qu’il est le plus ancien, il est source pour nous des biens les plus grands. Ainsi, moi, je ne puis soutenir qu’il y ait un bien supérieur, dès la jeunesse, à celui d’avoir un bon amant, et de même pour l’amant à l’égard de ses amours ! Ce qui doit en effet guider toute la vie des hommes, de ceux à qui il appartiendra d’avoir une belle vie, c’est un principe que ni la parenté n’est à même de nous inculquer avec une égale excellence, ni les dignités ni la richesse d ni rien d’autre, en comparaison de l’amour. Et maintenant je demande : quel est ce

  1. On tient en général ce passage pour altéré ; il n’y a pas de raison, dit-on, que Phèdre répète la pensée d’Hésiode aussitôt après avoir cité celui-ci. On transporte donc à la suite de la citation la phrase relative à l’accord d’Acousilaos avec Hésiode, et l’on fait de ladite répétition l’exposé du point sur lequel ils s’accordent. Le texte des Mss. peut cependant être conservé, presque sans changement. Phèdre, qui fait une leçon de mythologie, cite ses autorités et, en bon professeur, il réduit à ses éléments essentiels le premier de ses textes (ainsi, Agathon 195 d). De plus, ayant distingué ses auteurs en prosateurs et poètes, il n’aurait pas, semble-t-il, intercalé le prosateur entre les deux poètes. — Hésiode Théog. 116 sqq. ; Parménide, fr. 13 (Diels Vorsokr.) ; Acousilaos, fr. 1 (Diels, ibid. ch. 73) : ses Généalogies seraient de la fin du vie siècle (Zeller I i⁶, p. 101).
  2. La génération de l’Univers, dit Aristote, Métaph. Α 4, 984 b, 26 ; c’est la Déesse (Justice) qui fait naître l’Amour (Simpl. Phys. 39, 18 Diels).