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LE BANQUET

commencement le récit même d’Aristodème, 174 essayer à mon tour de le refaire à votre intention.


Prologue.
Socrate au banquet d’Agathon.

Voici son histoire. « J’avais rencontré Socrate, bien lavé, des sandales aux pieds, choses qui ne lui étaient pas ordinaires. Je lui demandai où il allait, pour s’être fait si beau. “Souper chez Agathon ! me répondit-il. Hier en effet, à la cérémonie de sa victoire, je lui ai brûlé la politesse par crainte de la foule. Mais j’ai accepté pour aujourd’hui d’être son hôte ; d’où ces embellissements de ma toilette : il faut être beau quand on se rend auprès d’un beau garçon ! Dis donc, ajouta-t-il, que penserais-tu, toi, b de venir sans invitation à ce souper ?” Je répondis (ainsi parlait Aristodème) que je ferais comme il me dirait. “Eh bien ! alors, suis-moi, dit-il ; et nous aurons ainsi trouvé moyen de faire mentir, en le modifiant, le proverbe qui veut, comme on sait, qu’aux festins d’Agathon — non ! des gens de bien — ceux qui sont aussi gens de bien aillent de leur propre mouvement[1] ! Il est vrai qu’Homère risque fort en effet de ne l’avoir pas fait seulement mentir, mais de l’avoir bafoué, ce proverbe. Car, tandis qu’il fait d’Agamemnon un homme supérieurement habile c aux choses de la guerre, et de Ménélas par contre un guerrier sans nerf, cependant, au repas que donne Agamemnon après la célébration d’un sacrifice, c’est sans invitation qu’il y a fait venir Ménélas : lui, le moins bon, au festin du meilleur !” À quoi je répliquai, me disait Aristodème : “En ce cas, il y aura là, pour moi aussi, un risque probable : non pas celui que tu dis, Socrate, mais, comme chez Homère, celui d’aller, moi homme de rien, au festin d’un savant personnage, sans y avoir été invité ! Vois donc ce que tu devras dire, toi qui m’y mènes, pour te justifier ; car moi, je refuserai de conve-

    malacos, tendre), sous prétexte que ce surnom est déconcertant. Mais c’est justement ce qu’observe l’ami d’Apollodore et ce qui devient explicite par la réplique de celui-ci. Le Phédon montre jusqu’où a chez lui l’excès de la tendresse (cf. ici p. 1, n. 1).

  1. Ils font mentir le proverbe, puisque ce n’est pas spontanément, mais invités, Socrate par Agathon et Aristodème par Socrate, qu’ils se rendent au banquet. Socrate en outre modifie le proverbe en rem-