n’a plus de droits à rapporter les propos de ton ami ! Et tout d’abord, dis-moi, ajouta-t-il, est-ce que toi, tu assistais ou non à cette réunion ? — Il m’a tout à fait l’air, dis-je à mon tour, de ne t’avoir rien raconté de précis, ton c narrateur ! Autrement jugerais-tu l’époque où eut lieu cette réunion, sur laquelle tu m’interroges, assez récente pour que j’aie pu y assister moi aussi ? — Ma foi, oui ! je le pensais. — Où prends-tu cela, Glaucon[1] ? repartis-je. Ne sais-tu pas que voilà nombre d’années qu’Agathon est absent d’ici, et que pour ma part, depuis que je fréquente assidûment Socrate, depuis que j’ai à cœur de connaître chaque jour ce qu’il aura dit ou fait, il ne s’est pas encore écoulé trois ans ? Jusqu’alors, 173 je vaguais de-ci de-là, à l’aventure : je croyais être bon à quelque chose, et j’étais plus misérable que personne ; autant que toi à cette heure, toi qui t’imagines que n’importe quelle occupation est préférable à la philosophie ! » Et lui : « Ne te moque pas ! dit-il. Apprends-moi plutôt quand eut lieu cette réunion. — Quand nous étions encore enfants, lui répondis-je, au temps où sa première tragédie valut à Agathon la victoire, et le lendemain du jour où il avait offert son sacrifice de victoire en compagnie de ses choreutes[2]. — Dans ce cas, répliqua-t-il, la chose est fort ancienne, à ce qu’il semble ! Mais alors qui te l’a racontée ? Est-ce Socrate en personne ? — Oh ! non, par Zeus ! repartis-je, b mais celui-là même qui la raconta à Phénix : c’était un certain Aristodème[3], du dème Kydathènéon, un petit homme qui était toujours nu-pieds. Il avait assisté, lui, à la réunion, en amoureux de Socrate qu’il était et, si je ne me trompe, un des plus fervents parmi ceux de l’époque. Non pourtant que depuis je n’aie posé quelques questions à Socrate lui-même sur ce que je tenais du personnage en question ; et il convenait que tout était bien comme celui-ci me l’avait raconté. — Eh quoi ! dit-il, ce récit, ne me le
- ↑ Tant d’ignorance se mêle à la curiosité de ce Glaucon, que difficilement on chercherait sous son nom le frère de Platon (cf. Rép., et Parmén. début), ou son grand oncle, le père de Charmide.
- ↑ Le poète couronné les associe à son action de grâces.
- ↑ Autre disciple fanatique ; en ne portant pas de souliers, il veut
formule, avec désignation nominative de la personne et mention de son dème (cf. Gorgias 495 d) ; c’est une formule tout à fait officielle de citation, usitée en justice ou dans les cérémonies.