Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 1 (éd. Robin).djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
xx
PHÉDON

des questions qu’un examen critique conduit à se poser, elle étouffe toute impression contraire, elle donne au récit de Phédon un cachet d’incontestable vérité.

Est-ce une raison pour le considérer comme un récit historique de ce qui s’est réellement fait et dit le dernier jour de la vie de Socrate ? C’est une opinion que M. John Burnet a soutenue avec autant d’ingéniosité que de vigueur[1]. Contre cette opinion il existe, on l’a vu, de fortes présomptions. Bien plus, dans les hypothèses auxquelles elle est conduite, elle paraît exposée à d’inextricables difficultés. S’agit-il d’expliquer la composition du cercle socratique et l’adhésion donnée à la théorie des Idées ou à la théorie de la réminiscence par les Pythagoriciens Simmias et Cébès ? Après le retour de Philolaüs en Italie, les Pythagoriciens de la Grèce continentale avaient, dira-t-on, pris Socrate pour chef, et il était lui-même un des leurs. À ce compte ne faudrait-il pas supposer aussi bien, Euclide étant un des fidèles de Socrate, que celui-ci a été après la mort de Zénon pris pour chef par les Éléates de Mégare ? Du coup on devra baptiser éléatiques des doctrines que, pour le premier motif, on nommait déjà pythagoriques ! Il y a plus : comme c’est Socrate, entendez celui de l’histoire, qui dans le Phédon expose la théorie des Idées et la théorie de la réminiscence, on veut retirer à Platon des doctrines dont une tradition pour bien dire incontestée lui attribuait la paternité, afin de les transférer à Socrate et, par delà Socrate, aux Pythagoriciens. Ce qu’implique un syncrétisme aussi hardi[2], c’est la dépréciation radicale du témoignage d’Aristote : en distinguant comme il l’a fait la conception des essences chez Socrate et chez Platon, chez ce dernier et chez les Pythagoriciens, celui-ci s’est, dit-on, complètement fourvoyé. Mais est-il croyable que, comme on le

  1. Dans son édition du Phédon (with Introd. and Notes, Oxford, Clarendon Press, 1911) et dans Greek Philosophy, I (London, 1914), chap. ix et x, fin. La thèse de l’historicité a été défendue aussi, indépendamment du premier travail de M. Burnet, par M. A. E. Taylor, Varia Socratica, I (St  Andrews Univ. Publications IX, 1911). Voir mes articles Une hypothèse récente relative à Socrate (Revue des Études grecques XXIX, 1916, p. 129-165) et Sur la doctrine de la réminiscence (ibid., XXXII, 1919, p. 451-461).
  2. C’est déjà celui de Proclus (cf. Gr. Philos. p. 91) ou d’Olympiodore (in Phaedon., ad 65 d, p. 31, 16 sq. Norvin).