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elle est par contre, d je crois bien, antérieure à celui qui en est le terme ; et il n’y a pas là ombre de motif en plus pour que l’homme soit, par rapport au vêtement, quelque chose d’inférieur et de plus fragile ! Eh bien, cette même image serait, si je ne me trompe, recevable pour l’âme dans sa relation au corps ; et, en tenant à leur sujet le langage que voici, il est évident pour moi qu’on parlerait exactement comme il faut. L’âme, dirait-on, est chose durable, le corps de son côté chose plus fragile et de moindre durée. En réalité cependant, ajouterait-on, mettons que chaque âme use de nombreux corps, particulièrement quand la vie dure nombre d’années (car on peut supposer que, le corps étant un courant qui se perd[1] tandis que l’homme continue de vivre, l’âme au contraire ne cesse de e retisser ce qui s’est usé) ; ce n’en serait pas moins une nécessité que l’âme, le jour où elle sera détruite, ait justement sur elle le dernier vêtement qu’elle a tissé, et que ce soit le seul antérieurement auquel ait lieu cette destruction. Mais, une fois l’âme anéantie, c’est alors que désormais le corps révélerait sa fragilité foncière ; et, tombant en pourriture, il ne tarderait pas à passer définitivement. Par conséquent, nous ne sommes pas encore en droit d’ajouter foi à l’argument dont il s’agit, et ainsi d’avoir confiance qu’après notre mort notre âme existe encore quelque part.

88 « La preuve, c’est que quelqu’un pourrait dire : « Je concède au raisonnement plus que tu ne fais. » Et ce qu’il lui accorderait, c’est non seulement que nos âmes existaient dans le temps qui a précédé notre naissance, mais que rien n’empêche, même après la mort, quelques-unes d’exister encore, et de continuer d’exister, pour donner lieu à de futures naissances et à de nouvelles morts. Dans l’hypothèse en effet l’âme est chose assez forte pour faire face à ces naissances répétées. Cependant, après avoir accordé cela, il se refuserait ensuite à concéder qu’elle ne s’épuise pas dans ces multiples naissances et qu’elle ne finit pas en somme par être radicalement détruite dans l’une de ces morts. Or cette mort, cette b dissolution du corps qui porte à l’âme le coup fatal, il n’est

    Socrate, puis réfuté par l’absurde l’argument de celui-ci. Son exposé exige donc de Simmias autant d’attention que de Socrate.

  1. Le flux héraclitéen n’est pas spécialement en cause ici ; voir remarques analogues Timée 43 a. L’Orphisme appelle le corps le