Définition de Socrate :
La rhétorique est un empirisme.
Polos. — C’est ce que je vais faire : réponds-moi, Socrate. Puisque Gorgias te paraît n’avoir aucune solution à proposer sur la nature de la rhétorique, qu’est-elle suivant toi ?
Socrate. — Me demandes-tu quelle sorte d’art elle est suivant moi ?
Polos. — Oui.
Socrate. — Je ne la considère pas du tout comme un art, Polos, s’il faut te dire toute ma pensée.
Polos. — Qu’en fais-tu alors ?
Socrate. — Une chose comme celle que toi-même, dans un écrit[1] que j’ai lu c récemment, tu te vantes d’avoir élevée à la dignité de l’art.
Polos. — Que veux-tu dire ?
Socrate. — Une sorte d’empirisme.
Polos. — La rhétorique, selon toi, serait un empirisme ?
Socrate. — C’est mon opinion, sauf avis contraire de ta part.
Polos. — Un empirisme appliqué à quoi ?
Socrate. — À produire une certaine sorte d’agrément et de plaisir.
Polos. — Eh bien ! la rhétorique n’est-elle pas une belle chose, si elle est le moyen de se rendre agréable ?
Socrate. — Voyons, Polos, sais-tu donc déjà ce qu’est à mes yeux d la rhétorique, pour passer ainsi à la question suivante, celle de savoir si je ne la trouve pas belle ?
Polos. — Ne viens-tu pas de me dire que la rhétorique était un empirisme ?
Socrate. — Puisque tu apprécies l’agrément, veux-tu me faire un petit plaisir ?
Polos. — Volontiers.
Socrate. — Demande-moi donc maintenant quelle sorte d’art est, selon moi, la cuisine.
Polos. — Soit : quelle sorte d’art est la cuisine ?
Socrate. — Ce n’est pas un art du tout, Polos.
Polos. — Qu’est-ce donc alors ? Explique-toi.
Socrate. — Je déclare que c’est une sorte particulière d’empirisme.
- ↑ C’est à cet écrit, Traité de rhétorique, ou, comme on disait,