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MÉNON

Ménon. — Je suis de ton avis.

Socrate. — Mais il est évident que si quelqu’un l’emporte sur un autre, c’est par le pouvoir.

Ménon. — Sans contredit.

Socrate. — De sorte que, d’après ta définition, la vertu est essentiellement le pouvoir de se procurer c le bien.

Ménon. — J’adopte pleinement, Socrate, ta manière de voir.

Socrate. — Examinons donc cette seconde face de la question ; car peut-être as-tu raison. Ainsi, selon toi, la vertu consiste dans le pouvoir d’acquérir le bien.

Ménon. — Oui.

Socrate. — Ce bien dont tu parles, n’est-ce pas, par exemple, la santé et la richesse ?

Ménon. — J’entends aussi par là l’acquisition de l’or et de l’argent, les charges et les honneurs dans la cité.

Socrate. — Quand tu parles de bien, n’as-tu rien autre en vue ?

Ménon. — Non ; et c’est bien tout cela que j’ai en vue.

Socrate. — Soit ! d Ainsi, d’après Ménon, hôte héréditaire du Grand-Roi, la vertu consiste à se procurer de l’or et de l’argent. Est-ce tout ! À cette idée d’acquisition, ajoutes-tu les mots « justement[1] et saintement », ou bien regardes-tu la chose pour indifférente et une acquisition injuste est-elle encore pour toi une vertu ?

Ménon. — Nullement, Socrate.

Socrate. — C’est de la méchanceté ?

Ménon. — Sans aucun doute.

Socrate. — Ainsi, l’acquisition doit être accompagnée de justice, de tempérance, de piété ou de quelque autre partie e de la vertu ; sans quoi elle n’est plus une vertu, bien qu’elle procure le bien.

Ménon. — Comment pourrait-elle être une vertu sans cela ?

    désirer le mal, mais parce qu’on ne le connaît pas comme tel, et, en fait, on ne souhaite, on ne veut que le bien. Cf., dans le Gorgias (466 b-468 e), la distinction instituée entre faire ce qui plaît et faire ce qu’on veut. — Pour la confusion entre les notions de mal et de mauvais, cf. Gorgias, 475 a (p. 149, n. 1).

  1. Pour la troisième fois (cf. 73 a et 73 d), Socrate ramène la