Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome III, 2.djvu/292

Cette page a été validée par deux contributeurs.
77 a
244
MÉNON

pour continuer à te parler ainsi, dans ton intérêt et dans le mien ; mais j’ai grand peur de ne pouvoir soutenir longtemps de tels discours. — Quoi qu’il en soit, tâche maintenant de tenir la promesse que tu m’as faite, de me définir la vertu en général, et cesse de faire plusieurs choses d’une seule, comme on ne manque pas de le dire par plaisanterie de ceux qui brisent un objet ; laisse-la intacte et entière, suivant b les exemples que je t’ai donnés.


Nouvelle définition de la vertu par Ménon :
1o  Aimer les belles choses.

Ménon. — Eh bien, Socrate, il me semble que la vertu consiste, selon le mot du poète, à « aimer les belles choses et à être puissant ». Je définis donc la vertu : le désir des belles choses joint au pouvoir de se les procurer.

Socrate. — Le désir des belles choses implique-t-il, dans ta pensée, le désir de celles qui sont bonnes ?

Ménon. — Tout à fait.

Socrate. — Veux-tu dire que les uns désirent les mauvaises et les autres les bonnes ? Ne crois-tu pas, mon c cher, que tout le monde désire celles qui sont bonnes ?

Ménon. — Ce n’est pas mon avis.

Socrate. — Quelques-uns, alors, désireraient les mauvaises ?

Ménon. — Oui.

Socrate. — Est-ce parce qu’ils croient bonnes ces choses mauvaises, ou bien, les sachant mauvaises, les désirent-ils malgré cela ?

Ménon. — Je crois les deux cas possibles.

Socrate. — Ainsi donc, à ton avis, Ménon, on peut désirer une chose mauvaise en sachant qu’elle est mauvaise ?

Ménon. — Certainement.

Socrate. — Qu’entends-tu par désirer une chose ? Est-ce désirer qu’elle vous arrive ?

Ménon. — Qu’elle vous arrive, d évidemment.

Socrate. — Dans la pensée que la chose mauvaise est avantageuse pour celui à qui elle échoit, ou en sachant que le mauvais est nuisible à qui l’accueille ?

Ménon. — Les uns croient que le mauvais peut être avantageux, les autres le jugent nuisible.