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GORGIAS

mouvement régulier et doux, le même frisson d’extase devant la beauté du spectacle, la même netteté de vision et la même certitude intellectuelle, qui saisit le lecteur à la suite du voyant et qui l’entraîne toujours plus haut. Rien n’est plus vraiment divin que cette éloquence, qui est précisément celle que nous admirons dans toute la fin du Gorgias.

IV

DATE OÙ L’ENTRETIEN EST CENSÉ AVOIR LIEU

À quelle date l’entretien raconté par Platon est-il censé avoir eu lieu ?

Il est fait allusion dans un passage (p. 503 c) à la mort récente de Périclès (νεωστὶ τετελευτηκέναι). Or Périclès est mort en 429. Si l’on songe que Gorgias est venu à Athènes pour la première fois en 427 comme ambassadeur de Léontium et que cette ambassade fut pour lui un triomphe mémorable, il est naturel de supposer que l’entretien chez Calliclès se rapporte à cette date. L’âge attribué à l’ami de Calliclès, Démos fils de Pyrilampe (p. 481 d), conduit à la même conclusion. Mais d’autres passages du dialogue font allusion à des faits dont la date est connue et qui sont postérieurs, quelques-uns même de beaucoup, à l’année 427. Le plus important est la présidence de l’Assemblée par Socrate (p. 473 e), qui survint en 406 seulement, après la bataille des Arginuses. On a noté aussi que cet Archélaos, tyran de Macédoine, dont Polos vante le bonheur, ne prit le pouvoir qu’en 413, et que l’Antiope d’Euripide, à laquelle il est fait plusieurs fois allusion, ne fut représentée que dans les dernières années de la guerre du Péloponnèse. En raison de ces faits, beaucoup de savants assignent à la scène du Gorgias une date voisine de 405.

Ces arguments seraient très forts si Platon avait eu le souci d’éviter les anachronismes. Mais la vérité est qu’il n’a aucun souci de la chronologie, quand il lui plaît, pour une raison littéraire ou philosophique, de brouiller les dates. Il suffira de rappeler ici, à titre d’exemple, le Ménexène, où Socrate (condamné en 399) est censé prononcer l’oraison