Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome III, 2.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.
497 c
182
GORGIAS

vrai que le plaisir de boire cesse pour chacun de nous avec la soif ?

Calliclès. — Oui.

Socrate. — Et de même, pour la faim et les autres désirs, le plaisir cesse en même temps qu’eux ?

Calliclès. — C’est exact.

dSocrate. — De sorte que la peine et le plaisir disparaissent ensemble ?

Calliclès. — Oui.

Socrate. — Au contraire le bien et le mal ne cessent pas l’un et l’autre du même coup : tu le reconnaissais tout à l’heure ; le reconnais-tu encore ?

Calliclès. — Sans doute. Qu’en veux-tu conclure ?

Socrate. — J’en conclus, mon ami, que le bon n’est pas la même chose que l’agréable ni le mauvais la même chose que le pénible. Dans un cas, en effet, les deux contraires disparaissent ensemble, et dans l’autre, non, parce qu’ils sont différents de nature. Comment alors assimiler l’agréable au bon et le désagréable au mauvais ?

Mais examine encore[1], si tu veux, la question sous une autre forme : je crois qu’ici également les faits sont en désaccord avec toi. Vois plutôt : ceux que tu appelles bons ne sont-ils pas ainsi appelés par toi een raison de la bonté qui est en eux, comme les beaux en raison de leur beauté ?

Calliclès. — Sans doute.

Socrate. — Or, appelles-tu bon un insensé ou un lâche ? Tu t’y refusais tout à l’heure, et c’était, disais-tu, celui qui est brave et sage. N’est-ce pas celui-là que tu appelles bon ?

Calliclès. — Sans contredit.

Socrate. — D’autre part, as-tu vu quelquefois un enfant déraisonnable et en même temps joyeux ?

Calliclès. — Oui.

498Socrate. — Et un homme déraisonnable qui éprouverait de la joie ?

Calliclès. — Je le crois ; mais où veux-tu en venir ?

Socrate. — À rien ; réponds seulement.

Calliclès. — Eh bien, oui.

Socrate. — Ou au contraire un homme raisonnable qui eut de la peine ou de la joie ?

  1. Second argument (497 d-499 b) contre la thèse de l’identité du