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GORGIAS

Polos. — Certainement.

Socrate. — Au second rang, vient celui qu’on délivre de son mal.

Polos. — Oui.

Socrate. — Or, cet homme-là, c’est celui qui reçoit des conseils, des reproches, qui paye sa faute.

Polos. — Oui.

Socrate. — Ainsi, celui qui garde son injustice au lieu d’en être délivré, est le plus malheureux de tous.

Polos. — Cela semble certain.


Retour à Archélaos et conclusions.

Socrate. — N’est-ce pas précisément le cas de l’homme qui, tout en commettant les crimes les plus abominables, et en vivant dans la plus parfaite injustice, réussit à éviter les avertissements, les châtiments, 479le paiement de sa peine, comme tu dis qu’y est parvenu cet Archélaos, ainsi que tous les tyrans, les orateurs et les hommes d’État les plus puissants ?

Polos. — C’est vraisemblable.

Socrate. — Quand je considère le résultat auquel aboutissent les gens de cette sorte, je les comparerais volontiers à un malade qui, souffrant de mille maux très graves, parviendrait à ne point rendre ses comptes aux médecins sur ses maladies[1] et à éviter tout traitement, craignant comme un enfant l’application du fer et du feu, parce que cela fait mal. bN’est-ce point ton avis ?

Polos. — Tout à fait.

Socrate. — C’est sans doute qu’il ne saurait pas le prix de la santé et d’une bonne constitution. À en juger par les principes que nous avons reconnus vrais, ceux qui cherchent à ne pas rendre de comptes à la justice, Polos, pourraient bien être également des gens qui voient ce qu’elle comporte de douloureux, mais qui sont aveugles sur ce qu’elle a d’utile, et qui ne savent pas combien plus lamentable est la compagnie d’une âme malsaine, c’est-à-dire corrompue, injuste et impure, que celle d’un corps malsain. cDe là tous leurs efforts pour échapper à la punition, pour éviter qu’on les débarrasse du plus grand des maux ; pour cela, ils entassent les richesses, se font des amis

  1. Exactement : « à ne pas expier les fautes relatives à son corps ».