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GORGIAS

Polos. — Quelles choses ?

Socrate. — L’art de la finance, la médecine, la justice.

Polos. — La plus belle de beaucoup, Socrate, c’est la justice.

Socrate. — Par conséquent elle procure plus que toute autre ou du plaisir ou un avantage ou l’un et l’autre, dès lors qu’elle est la plus belle ?

Polos. — Oui.

Socrate. — Est-ce que les traitements des médecins sont agréables, et a-t-on du plaisir à être entre leurs mains ?

Polos. — Je ne le crois pas.

Socrate. — Mais ces traitements sont utiles, n’est-il pas vrai ?

cPolos. — Oui.

Socrate. — Le patient, en effet, se débarrasse grâce à eux de son mal, en sorte qu’il lui est avantageux d’accepter la souffrance pour guérir.

Polos. — Sans aucun doute.

Socrate. — Quel est pour un homme, en ce qui est de son corps, le plus grand bonheur : d’être guéri par les médecins, ou de n’être pas du tout malade ?

Polos. — C’est évidemment de n’être pas malade.

Socrate. — Le bonheur en effet aurait consisté non pas à guérir de la maladie, mais à ne pas la prendre du tout.

Polos. — C’est mon avis.

dSocrate. — Oui. Mais de deux malades également atteints, soit dans leur corps soit dans leur âme, lequel est le plus malheureux, celui qui se fait soigner et qui guérit, ou celui qui, faute de soins, garde son mal ?

Polos. — Il me semble que c’est celui qui ne reçoit pas de soins.

Socrate. — Payer sa faute, avons-nous dit, délivre du plus grand des maux, la méchanceté ?

Polos. — Oui.

Socrate. — La justice ainsi rendue, en effet, oblige à devenir plus sage et plus juste et elle est comme la médecine de la méchanceté.

Polos. — Oui.

eSocrate. — Ainsi donc, le plus heureux, c’est celui dont l’âme est exempte de mal, puisque ce mal de l’âme, nous l’avons dit, est le plus grand des maux.