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PROTAGORAS

sachant leurs lettres, sont en état de comprendre les paroles écrites, comme tout à l’heure le langage parlé, il fait lire à la classe, rangée sur les bancs, les vers des grands poètes, et lui fait apprendre par cœur ces œuvres remplies de bons conseils, et aussi de digressions, d’éloges où sont exaltés les antiques héros, afin que l’enfant, pris d’émulation, les imite et cherche à se rendre pareil à eux.

« Les citharistes, à leur tour, prennent le même soin d’inspirer la sagesse à l’enfant et de le détourner du mal : en outre, quand l’élève sait jouer de son instrument, le maître lui fait connaître d’autres belles œuvres, celles des poètes lyriques, qu’il lui fait exécuter sur la cithare, obligeant ainsi les âmes des enfants à se pénétrer des rythmes et des mélodies, à se les assimiler de telle sorte qu’ils en deviennent plus apprivoisés, et que, sous l’influence du rythme et de l’harmonie, ils se forment à la parole et à l’action[1] : car toute la vie humaine a besoin d’harmonie et de rythme.

« Plus tard encore, on envoie l’enfant chez le pédotribe, afin que son intelligence une fois formée ait à son service un corps également sain, et qu’il ne soit pas forcé par sa défaillance physique à reculer devant les devoirs de la guerre et devant les autres formes de l’action. Les plus empressés à suivre cet usage sont ceux qui en ont le plus les moyens ; or ceux-là, ce sont les plus riches : les fils des riches, envoyés dans les écoles plus tôt que les autres, en sortent plus tard.

« Quand ils sont libérés de l’école, la cité à son tour les force à apprendre les lois et à y conformer leur vie. Elle ne leur permet pas d’agir librement à leur fantaisie ; mais, de même que le maître d’écriture, pour les enfants qui ne savent pas encore écrire, trace d’abord les lettres avec son stylet et leur remet ensuite la page où ils devront suivre

    symétriques (par ἐπειδάν et ἴνα), Protagoras définit les deux enseignements que, de douze à quatorze ans environ, reçoit le jeune Athénien, celui du grammatiste (lettres) et celui du cithariste (musique). On voit la place qu’y tient l’étude des poètes, poètes épiques, élégiaques, iambiques, que l’élève récite à haute voix, poètes lyriques, dont il exécute les œuvres en s’accompagnant sur la lyre.

  1. Cf. Plat. Rép. III, 399 a et Lois II 673 a. — Non seulement les Grecs accordaient une action moralisatrice à la musique, mais ils distinguaient entre leurs modes musicaux suivant le genre particulier d’action qu’ils exerçaient.